Questions de coeur

Le vieillissement de la population de plongeurs et le taux croissant de décès liés à des problèmes cardiaques chez les plongeurs d’un certain âge sont une source de préoccupation de plus en plus importante parmi les plongeurs. Dans des conditions optimales, la plongée sous-marine est une activité de loisir que de nombreuses personnes pratiquent toute leur vie, y compris à un âge avancé. L’âge n’est pas considéré comme une maladie ni comme une contre-indication à la plongée ou à toute autre activité physique. Un âge avancé est toutefois associé avec une diminution des capacités fonctionnelles et une augmentation de la prévalence des maladies chroniques. Les critères de l’aptitude médicale à la plongée ont été définis il y a plus d’un demi-siècle et sont depuis lors utilisés en toute fiabilité. Néanmoins, il n’existe aucun consensus en matière d’exigences relatives à l’aptitude physique nécessaire pour plonger. En règle générale, il est conseillé aux plongeurs d’évaluer l’environnement de plongée avant chaque immersion et d’éviter toute situation requérant un effort supérieur à ce que l’organisme est capable d’endurer. Cette approche semble fonctionner pour la plupart des plongeurs, bien que des décès puissent survenir. Les plongeurs d’un âge avancé sont plus susceptibles de subir un accident mortel, dont la cause la plus fréquente après un certain âge est une insuffisance cardiaque aiguë entraînant généralement une mort subite. Dans cet article, nous nous pencherons brièvement sur les thèmes suivants : l’épidémiologie de la mort subite cardiaque, les changements survenant avec l’âge au niveau du système cardiovasculaire, les facteurs d’agression spécifiques de la plongée, les liens pouvant exister entre ces facteurs et les décès en plongée, et ce que les plongeurs peuvent faire pour mitiger les risques auxquels ils sont confrontés.

Mort subite cardiaque

La mort subite cardiaque (MSC) désigne une mort naturelle et inattendue ayant une cause cardiaque et survenant dans un court laps de temps (généralement dans l’heure suivant l’apparition des symptômes) chez une personne ne présentant aucune pathologie mortelle manifeste. Une mort aussi rapide est souvent attribuée à une arythmie cardiaque, mais comme 40 % des morts subites surviennent en l’absence de témoins, il est difficile d’avancer un chiffre avec certitude.

La MSC peut être précédée de symptômes non spécifiques, comme des douleurs thoraciques (indiquant une ischémie), des palpitations (arythmie) ou des difficultés respiratoires (insuffisance cardiaque congestive). L’ischémie ou l’insuffisance cardiaque congestive correspondent à une défaillance du muscle cardiaque, tandis que l’arythmie correspond à une perte de synchronisation des contractions du coeur entraînant un rythme cardiaque irrégulier. Les deux types de pathologie provoquent une diminution de la circulation, une perte de connaissance et, quelques minutes après l’arrêt circulatoire, la mort.

Aux États-Unis, l’incidence annuelle de MSC est de 1 sur 1 000 adultes, ce qui correspond à plus de 300 000 décès chaque année. Le risque de MSC chez l’adulte se multiplie par six avec l’âge et est comparable au risque de cardiopathie ischémique. Le risque est plus élevé chez les personnes atteintes d’une anomalie cardiaque structurelle, mais les statistiques montrent que dans 50 % des cas de MSC, les victimes ignorent qu’elles souffrent d’une maladie cardiaque, et dans 20 % des cas, l’autopsie ne révèle aucun changement cardiovasculaire structurel. Les plongeurs présentant des symptômes de maladie cardiovasculaire doivent se faire examiner par un cardiologue et un médecin formé aux pathologies de la plongée avant de poursuivre leurs activités subaquatiques. En l’absence de symptômes, le risque de MSC peut être évalué en tenant compte de facteurs de risque cardiovasculaires connus tels que la consommation de tabac, une tension artérielle élevée, un taux élevé de cholestérol, le diabète, le manque d’exercice physique et le surpoids. À titre d’exemple, les fumeurs s’exposent à un risque de MSC deux fois plus élevé que les non-fumeurs.

Effets du vieillissement « sain » sur le système cardiovasculaire

L’on sait tous qu’une équipe composée de jeunes adultes court plus vite et offre de meilleures performances qu’une équipe composée d’adultes d’âge moyen. Toute personne dans la trentaine ou plus a déjà pu observer un déclin de sa capacité à soutenir un effort intense pendant un laps de temps prolongé. La diminution de la capacité à l’effort avec l’âge chez les personnes saines peut être ralentie en pratiquant un exercice physique régulier, mais elle ne peut être totalement évitée. Ce déclin est dû à un affaiblissement des fonctions des différents systèmes de l’organisme. Dans cet article, nous nous limiterons à la fonction du coeur.

Le coeur dispose d’un « pacemaker » naturel qui contrôle le rythme cardiaque et d’un système de voies de conduction qui acheminent les signaux vers les cellules musculaires cardiaques. Au fil du temps, le pacemaker perd un certain nombre de cellules et les voies de conduction peuvent s’endommager. Ces changements peuvent entraîner un léger ralentissement du rythme cardiaque au repos et augmenter la susceptibilité à des rythmes anormaux comme la fibrillation auriculaire.

Avec l’âge, toutes les structures du coeur deviennent plus rigides. Le muscle du ventricule gauche s’épaissit et le coeur dans son ensemble peut augmenter légèrement de volume, tandis que le volume du ventricule gauche peut diminuer. Le coeur peut se remplir et se vider plus lentement, ce qui a pour effet de réduire la quantité de sang injectée dans la circulation. L’augmentation de la fréquence cardiaque et du débit cardiaque en réponse à l’exercice physique peut devenir moins importante, et les valeurs maximales peuvent baisser (voir tableau). La diminution de la fréquence cardiaque maximale semble être un effet de l’âge et est plus prononcée chez les personnes sédentaires ou atteintes d’une maladie cardiovasculaire.

Le système nerveux autonome subit également des changements avec l’âge. Normalement, le côté parasympathique définit la fréquence cardiaque au repos, tandis que le côté sympathique stimule le coeur en prévision d’une activité physique ou en réponse à celle-ci en favorisant une augmentation opportune et proportionnelle de la circulation sanguine afin de faire face à l’activité réalisée. L’ajustement constant des systèmes sympathique et parasympathique entraîne une variabilité de la fréquence cardiaque qui peut s’observer d’un battement à l’autre, ce qui est un signe de système de contrôle sain. Avec l’âge, la contribution du côté parasympathique diminue, l’activité sympathique augmente (même au repos), la variabilité de la fréquence cardiaque disparaît et le rythme cardiaque devient plus enclin aux déraillements. La baisse de la variabilité de la fréquence cardiaque et l’augmentation du rythme cardiaque au repos (dus à la perte du tonus parasympathique) multiplient chacun le risque de MSC par 2,5 ou plus.

Effets de la plongée sur le système cardiovasculaire

La plongée expose l’organisme des plongeurs à différents facteurs d’agression qui affectent chacun à leur façon la fonction cardiovasculaire. Les principaux facteurs d’agression sont l’immersion, l’exposition au froid, l’élévation de la pression partielle d’oxygène et l’augmentation du travail respiratoire.

L’effet combiné de ces facteurs se traduit par une augmentation significative du volume sanguin dans les vaisseaux de la poitrine et du coeur, ainsi qu’une distension des parois du coeur et des gros vaisseaux. La pression dans l’oreillette droite et la tension sanguine augmentent légèrement, en particulier dans l’eau froide. Le coeur doit faire un effort supplémentaire pour maintenir la circulation. Ces différents phénomènes déclenchent plusieurs types d’arythmies, allant de la bradycardie (ralentissement des battements cardiaques) causée par le froid, à la tachycardie (accélération des battements cardiaques) provoquée par les réponses cardiaque et neuroendocrinienne aux facteurs d’agression. Chez les personnes âgées, en particulier celles présentant des modifications structurelles du myocarde ou un affaiblissement de la fonction cardiaque, le risque de réactions défavorables à ces agressions est supérieur.

La plongée a également un effet sur le système nerveux autonome. Chez les personnes en bonne santé, la plongée augmente l’action du système parasympathique sur la fréquence cardiaque, et la variabilité de la fréquence cardiaque est conservée. Les plongées éprouvantes sollicitent le système nerveux autonome de façon opposée : c’est le système sympathique qui prévale, entraînant une accélération de la fréquence cardiaque, une diminution de la variabilité de la fréquence cardiaque et une augmentation du risque d’arythmie.

Bien que la plongée soit souvent perçue comme une activité de loisir, l’effort requis peut parfois dépasser la capacité physique des plongeurs présentant des limitations fonctionnelles ou des plongeurs âgés en bonne santé. En situation d’apesanteur sous l’eau, le travail musculaire est moins éprouvant et les plongeurs ont vite fait de réaliser un effort qui dépasse leurs limites cardiorespiratoires. Pour la plupart des plongeurs, nager contre un courant de 0,5 noeud représente un défi. Chez les plongeurs militaires entraînés, la fréquence cardiaque mesurée lors d’exercices de nage effectués en eau peu profonde augmente à 101 battements par minute (bpm) en moyenne dans un courant de 0,6 noeud et à 141 bpm en moyenne dans un courant de 1,2 noeud. Pour de nombreux plongeurs, cela dépasse le niveau soutenable (qui se situe en général en dessous de 80 % de la fréquence cardiaque maximale). Il est encore plus important de noter que les plongeurs qui ne pratiquent pas la natation de manière régulière, qui ne maîtrisent pas la technique de la nage avec palmes sous l’eau, qui portent un équipement encombrant ou, plus particulièrement, dont la flottabilité n’est pas tout à fait au point, atteindront probablement leur fréquence cardiaque maximale en nageant encore plus lentement. Certains atteignent leur limite en s’efforçant simplement de se maintenir à flot.

Quels sont les risques ?

Les statistiques de mortalité indiquent qu’au moins un tiers de tous les décès en plongée sont liés à un problème cardiaque aigu. Le risque de décès lié à un problème cardiaque chez les plongeurs est permanent et augmente de façon constante avec l’âge. Les plongeurs de plus de 50 ans présentent un risque dix fois plus élevé que les plongeurs de moins de 50 ans. Si certains problèmes que l’on soupçonne d’origine cardiaque peuvent être provoqués par des effets spécifiques à l’immersion, d’autres peuvent être totalement indépendants de la plongée. En effet, une mort subite cardiaque peut survenir lors de la pratique de la natation ou de sports terrestres, ou encore au repos et durant le sommeil.

L’infarctus aigu du myocarde (crise cardiaque) dû à l’effort pendant la nage à contre-courant, avec des vagues ou en situation de flottabilité négative est probablement assez courant parmi les décès en plongée. Cette affection est causée par un apport sanguin insuffisant au muscle cardiaque pendant l’effort. Elle se produit plus communément chez les plongeurs de sexe masculin et d’âge mûr qui souffrent sans le savoir d’une coronaropathie.

Il est également raisonnable de penser que la plongée peut provoquer une arythmie aiguë, susceptible d’entraîner une mort subite. L’arythmie est une cause plus probable de décès chez les plongeurs âgés. Comme l’explique le docteur Carl Edmonds et le confirment les données de DAN, « la victime semblait souvent calme peu avant de s’effondrer. Certains plongeurs ont ressenti une fatigue intense ou un besoin inhabituel de se reposer après l’effort, ou ont dû être remorqués, ce qui traduit un certain degré d’exténuation. D’autres ont eu des réactions suggérant qu’ils ne se sentaient pas bien. D’autres encore se sont plaints de difficultés pour respirer juste quelques secondes avant de s’effondrer, ou ont demandé l’embout du binôme, mais ont refusé de respirer dans le détendeur qui leur était offert. La dyspnée peut avoir différentes explications : une hyperventilation psychogène, une stimulation ventilatoire induite par le système nerveux autonome ou encore un oedème pulmonaire, ce dernier étant démontré à l’autopsie. Dans tous les cas, les plongeurs disposaient d’une réserve d’air suffisante, ce qui signifie que la dyspnée n’était probablement pas liée à un problème d’équipement. Certaines victimes ont perdu connaissance sans avoir fait de signe préalable à leur binôme, tandis que d’autres ont demandé de l’aide avec calme ».

L’incidence globale et par tranche d’âge de la MSC est pratiquement identique chez les plongeurs et parmi la population générale, mais il ne faut pas écarter une éventuelle relation de cause à effet entre la plongée et la MSC. Les cas de MSC sans cause externe apparente sont plus courants chez les plongeurs âgés. Dans de tels cas, un examen médical peut révéler des signes de cardiopathie, mais ne permet généralement pas d’identifier un événement spécifique ayant causé la MSC. L’issue de cette pathologie en plongée n’est pas nécessairement différente des cas de MSC dans la population générale, si ce n’est que les plongeurs n’ont habituellement pas la possibilité d’être réanimés. La meilleure façon d’éviter la MSC passe par la prévention des maladies cardiaques ainsi que le maintien d’une bonne forme physique et d’un bien-être général à tout âge.

Programmes de mise en forme et de bien-être

La forme physique désigne la capacité de se mouvoir dans un monde physique et de modifier ce dernier par le biais d’un effort musculaire. Cela implique plusieurs composants, le principal étant la capacité de travail aérobie. Une bonne santé et une bonne forme physique chez une personne âgée sont le fruit du maintien d’habitudes saines, d’un exercice physique régulier et de l’absence de maladies. L’adoption d’un mode de vie sain à tout âge améliore la qualité de vie, bien que le retour à une courbe de forme physique et de longévité normale dépende probablement des traumatismes subis au cours de la vie. Selon les recommandations de l’American College of Sports Medicine (ACSM) et de l’American Heart Association (AHA), une activité physique régulière, et plus particulièrement une activité aérobie et de renforcement musculaire, est essentielle pour vieillir en bonne santé. Le département américain de la santé et des services humains (U.S. Department of Health and Human Services) a publié des lignes directrices en matière d’activité physique pouvant être consultées sur la page suivante : www.health.gov. Les avantages de l’exercice physique sont nombreux, et dépendent de sa fréquence. Plus on effectue un exercice régulier, plus les avantages sont nombreux. Citons notamment la réduction du risque de maladie cardiovasculaire (et donc de MSC), d’ictus thrombo-embolique, d’hypertension, de diabète de type 2, d’ostéoporose, d’obésité, de cancer du côlon, de cancer du sein, d’anxiété et de dépression. L’ACSM et l’AHA soutiennent qu’une technique, une expérience, une forme physique et un entraînement adéquats permettent d’atteindre des niveaux d’activité physique élevés. Cela dit, après un certain âge, la perte de forme physique liée à l’âge, les maladies physiques et les limitations fonctionnelles sont autant d’obstacles au maintien de niveaux élevés d’activité physique.

Si des niveaux modérés d’exercice physique offrent des avantages pour la santé, ils ne permettent pas nécessairement d’acquérir la capacité aérobie et l’aptitude physique nécessaires pour nager contre un courant fort. Une bonne capacité aérobie s’acquiert et se maintient uniquement au travers d’une activité physique intense et régulière, suivant la prescription du médecin. La nage à contre-courant requiert en outre une bonne technique de nage avec palmes. Sans cela, le plongeur peut éprouver des difficultés à créer une propulsion suffisante pour contrecarrer un courant fort, et ce, même s’il dispose d’une capacité aérobie élevée pour le travail musculaire. La nage avec palmes doit par conséquent faire partie intégrante de l’entraînement des plongeurs.

Bien-être

Le bien-être peut être défini de différentes manières, mais il s’agit essentiellement d’un état subjectif de satisfaction vis-à-vis de sa propre condition présente. Le bien-être dépend grandement de la santé générale, mais aide également à l’améliorer. L’une des façons d’atteindre le bien-être passe par la pratique du yoga. Le yoga semble en effet avoir un impact positif sur la souplesse, la posture, l’équilibre et la force musculaire. Les techniques de relaxation et de respiration peuvent réduire le tonus sympathique général chez les personnes âgées, augmenter les effets du système parasympathique sur la fréquence cardiaque et favoriser la variabilité de la fréquence cardiaque. La pratique régulière du yoga réduit en outre l’anxiété et améliore le bien-être général.

Le sentiment de bien-être ne coïncide pas nécessairement avec une bonne forme physique. Les personnes qui n’effectuent pas un exercice physique régulier et vigoureux risquent de ne découvrir leurs limites que lorsqu’elles se trouvent face à un problème, c’est-à-dire trop tard. Pour les amateurs d’activités subaquatiques, la plongée peut jouer un rôle important dans l’atteinte d’un sentiment de bien-être. Afin de se maintenir en forme et de profiter au maximum de cette activité, tout plongeur devrait observer un mode de vie sain, réaliser un exercice physique régulier, s’entraîner aux techniques spécifiques de la plongée, mettre tout en oeuvre pour atteindre le bien-être et faire des choix judicieux lorsqu’ils se trouvent sous l’eau.

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