BANQUES DE DONNÉES DE PROFILS

Qu’est-ce qu’une banque de données de profils?
Les banques de données de profils sont des collections étendues de profils de plongée et de conditions et bilans de plongée. Pour valider des tables, des mesures et des logiciels suivant un modèle de calcul donné, des profils et des bilans de plongée doivent être mis en correspondance avec (ou ajustés selon) les paramètres du modèle en y appliquant une rigueur statistique. Les informations de profil/bilan composent ce que l’on appelle aujourd’hui des banques de données. Nous allons nous pencher sur quelques banques de données intéressantes au sein de cet article. D’autres banques de données de ce type verront certainement le jour dans le futur. Leur importance croit rapidement dans les secteurs de la plongée technique et récréative, non seulement en raison des informations précieuses qu’elles contiennent, mais également pour leurs applications dans l’analyse des risques liés à la plongée et la mise au point de modèles.

La collection DAN Project Dive Exploration (PDE) hébergée à la Duke University est une banque de données réputée dans l’industrie de la plongée. Jusqu’à présent, la collection PDE s’était concentrée sur la plongée récréative à l’air et au nitrox, mais elle s’étend désormais également à la plongée technique, comprenant des paliers et utilisant divers mélanges respiratoires. Les ordinateurs du projet PDE contiennent environ 87 000 profils, dont quelque 97 cas de MDD liés à des plongées récréatives réalisées à l’air ou au nitrox. Le projet PDE a vu le jour en 1995, sous les auspices de Dick Vann et de Petar Denoble. DAN Europe, dirigé par Alessandro Marroni, a uni ses forces avec DAN Amérique du Nord en 2000 afin d’étendre le projet PDE. En Europe, le projet a été baptisé Diving Safety Laboratory (DSL). La collection DSL contient environ 50 000 profils, dont quelque huit cas de MDD. Pour des raisons de simplicité, nous regroupons les collections PDE et DSL sous une seule banque de données de manière à faciliter l’échange d’informations entre les ordinateurs hébergeant chaque collection. Ensemble, ces deux collections contiennent environ 137 000 profils, dont 105 cas de MDD. L’incidence de MDD est d’environ 0,0008. Il s’agit d’une collection massive et extrêmement précieuse.

La banque de données du laboratoire Los Alamos National Laboratory (LANL) est une autre collection plus récente axée sur la plongée technique, comprenant des paliers et utilisant divers mélanges respiratoires. Elle contient environ 2 900 profils, dont 20 cas de MDD. La mise en ligne de la banque de données LANL a été réalisée principalement par ses auteurs vers le début de l’année 2000. La plupart des données composant cette collection proviennent des opérations menées par la C&C Dive Team au cours des 20 dernières années environ. L’incidence de MDD dans la banque de données LANL est actuellement de 0,0069, soit environ 10 fois supérieure à celle de la collection PDE. Cette différence pourrait s’expliquer par le fait que la collection LANL contient des profils de plongée à paliers et utilisant divers mélanges respiratoires. Ce type de profil est en effet associé à un niveau de risque plus élevé et contient un nombre plus important d’inconnues.

Dans les deux cas, la collection de données représente un effort continu, et les informations liées aux profils peuvent être décomposées afin d’en simplifier la lecture. La plupart de ces informations proviennent de données enregistrées par des ordinateurs de plongée selon des intervalles de temps variables (de 3 à 5 secondes). Ces données sont ensuite téléchargées et transformées dans un format permettant la réalisation d’analyses statistiques ultérieures. Voici le type d’informations que l’on retrouve dans les banques de données de profils :

  1. mélange de fond/ppO2, profondeur et temps ;
  2. vitesses de descente et de remontée ;
  3. paliers et mélange utilisé aux paliers/ppO2, profondeurs et temps ;
  4. intervalles de surface ;
  5. intervalle avant la prise d’un avion ;
  6. âge, poids, sexe et état de santé (complications médicales) du plongeur ;
  7. bilan de la plongée cotée sur une échelle de 1 à 5 (de mauvais à bon) ;
  8. facteurs environnementaux (température, courant, visibilité, équipement).

Les données rapportées peuvent varier d’une banque de données à l’autre, mais les informations énumérées ci-dessus se retrouvent dans la plupart d’entre elles.

En quoi les banques de données de profils sont-elles importantes ?
Les paliers constituent sans doute la plus grande préoccupation en plongée. Profondeur, temps de plongée, mélanges respiratoires, vitesse de descente et de remontée, système à circuit ouvert ou recycleur, paliers profonds ou peu profonds – autant d’éléments qui figurent parmi les nombreux choix auxquels sont confrontés les plongeurs. Tous ces éléments peuvent être combinés de nombreuses façons différentes afin d’assurer une remontée en toute sécurité du plongeur à la surface.

C’est là que les données de profils de plongée prennent toute leur l’importance. De nombreux scientifiques pensent que la mise en correspondance de modèles et de données requiert le recueil du plus grand nombre de données possible à travers un large éventail d’activités de plongée, plutôt que la simple réalisation d’essais cliniques précis, mais épars. Si le test de profils de plongée individuels revêt certes une importance indéniable, il est généralement difficile d’extrapoler les résultats de ces tests à d’autres cas en raison de la multiplicité d’événements possibles en fonction des différentes profondeurs, mélanges respiratoires, vitesses de remontée et paliers, et de la combinaison de tous ces éléments. En d’autres mots, les tests isolés sont difficiles à mettre en commun. C’est pourquoi il est préférable de disposer d’un éventail de profils et de bilans de plongée le plus vaste possible. Par ailleurs, il est peu probable que l’on dispose de l’argent et du temps nécessaires pour tester tous les mélanges respiratoires et les profils de plongée pertinents dans tous les secteurs de plongée. Les banques de données sont constituées de données provenant de plongées réelles, et non pas d’essais cliniques.

Le palier profond constitue également une préoccupation dans le cadre des plongées avec système à circuit ouvert ou recycleur. Le modèle de Haldane basé sur des paliers peu profonds est resté en vigueur pendant près d’un siècle et la plupart des données recueillies au fil des années montrent que les paliers peu profonds ont constitué la pierre angulaire des tests et de la planification des plongées. Si on a pu démontrer que les plongées avec paliers profonds et avec paliers peu profonds étaient associées au même niveau de risque relatif, les plongées avec paliers profonds sont toutefois plus rentables en termes de durée (plus courtes) que celles avec paliers peu profonds. Pour pallier les lacunes des données relatives aux paliers profonds, les banques de données devraient désormais commencer à être alimentées en profils/bilans se basant sur des modèles (bullaires) à palier profond afin qu’une mise en corrélation puisse être faite entre les modèles bullaires impliquant des paliers profonds et ceux impliquant des paliers peu profonds.

Pour rappel, les modèles bullaires requièrent généralement des paliers de décompression plus profonds que les modèles à gaz dissous (haldaniens) et se rapprochent des modèles à gaz dissous lorsque la formation et la croissance de bulles sont légères ou inexistantes. Il incombe à présent d’établir une corrélation avec les données liées aux paliers de décompression profonds, puisqu’il a été démontré que les modèles bullaires recourent aux paliers peu profonds en tant qu’« alternative sécuritaire » (par ex. en cas d’omission des paliers profonds). Pour être honnête envers Haldane, notons toutefois qu’il avait testé des paliers profonds il y a d’ici une centaine d’années, mais pour différentes raisons, ces tests n’ont jamais été intégrés dans ses premières tables, ni dans les tables reposant sur les modèles à gaz dissous élaborées ultérieurement.

Que contiennent les banques de données de profils ?
Les banques de données contiennent d’importantes informations liées à des plongées réelles, sous une forme résumée. Il peut s’agir de plongées récréatives ou techniques, avec système à circuit ouvert ou recycleur, utilisant de l’air ou divers mélanges respiratoires, et réalisées en eaux profondes ou peu profondes. Elles brassent un large éventail de conditions différentes. Les collections PDE et DSL sont axées sur les plongées sans palier, tandis que la collection LANL est axée sur les plongées profondes avec palier de décompression, utilisant des systèmes à circuit ouvert ou des recycleurs, et différents mélanges respiratoires. Certes, il existe des chevauchements entre les données.

Banques de données Project Dive Exploration (PDE) et Diving Safety Laboratory (DSL)
Mises ensemble, les banques de données PDE et DSL contiennent environ 137 000 profils de plongée, dont 105 cas de MDD. L’incidence de MDD est dès lors de p = 105/137 000 = 0,0008, soit bien en deçà de 1 %. Les deux collections contiennent des données sur des profils, des conditions et des bilans de plongée en vue d’évaluer les cas de MDD et les facteurs de risque. Une étude intéressante a comparé le niveau de risque entre trois groupes de plongeurs, le premier en eau chaude, le deuxième en eau froide et le troisième dans des caissons de la Marine américaine. Le bilan des plongées est détaillé dans le tableau 1. Les plongées en caisson ont été incluses dans l’étude pour permettre l’ajustement des modèles aux données des trois types de plongées. Tout comme les plongeurs des deux autres groupes, les plongeurs en caisson étaient immergés et ont réalisé un effort.

Tableau 1. Échantillon des trois populations de plongeurs
 

Groupe de plongée Nombre de plongées Nombre de cas de MDD Incidence
warm water 51497 8 0.0002
cold water 6527 18 0.0028
USN chamber 2252 70 0.0311

 

L’incidence de MDD la plus élevée a été constatée chez les plongeurs en caisson, et l’incidence la plus faible chez les plongeurs en eau chaude. Mais d’autres données ont pu être dégagées d’une analyse statistique approfondie de cet échantillon de trois populations de plongeurs.

Bien que le risque lié aux plongées en caisson soit plus élevé tant en termes relatifs qu’absolus, si l’on se concentre sur le risque lié aux plongées en eaux froides réalisées à Scapa Flow spécifiquement, on peut voir que celui-ci est plus faible que le risque lié aux autres plongées en eau froide. Scapa Flow se situe au large de la côte nord de l’Écosse, au niveau des Îles Orkney. Il s’agit d’un cimetière historique contenant des épaves datant de l’époque des Vikings. Scapa Flow a servi de base à la Royal Navy britannique au cours des Première et Seconde Guerres mondiales. On peut émettre l’hypothèse que des plongées de longue durée comprenant des paliers de décompression soumettent les plongeurs en caisson à un risque plus élevé que les plongées de courte durée, sans palier, réalisées en eau chaude en raison du stress thermique.

Plus particulièrement, on peut penser que le niveau de risque plus faible des plongées réalisées à Scapa Flow par rapport aux autres plongées en eau froide provient de l’utilisation plus étendue de combinaisons étanches, qui limitent la perte de chaleur. Un élément important de la collection DSL est l’ensemble de données Doppler récoltées auprès de plongeurs ayant effectué un palier d’une durée de 2 à 3 minutes à mi-profondeur dans le cadre de plongées récréatives à l’air ne requérant pas de palier de décompression. Les Drs Bennet et Marroni ont enregistré des minima Doppler (nombre réduit de bulles) chez des plongeurs ayant effectué un palier profond à mi-profondeur lors de plongées sans palier (selon les anciennes tables de la Marine américaine) à différentes profondeurs. Des analyses réalisées en parallèle sur les profils de la banque de données LANL affichent une minimisation du risque pour les mêmes durées avec un palier à mi-profondeur dans le cadre des modèles bullaires, mais pas des modèles à sursaturation. C’est ce qu’on peut voir dans le tableau 2. Le risque de sursaturation augmente monotiquement avec la durée du palier profond. Le risque bullaire, déjà relativement faible au départ, atteint néanmoins un minimum avec le palier à mi-profondeur d’une durée de 2 à 3 minutes pour les plongées effectuées dans les limites des plongées sans palier des anciennes tables de la Marine américaine. Ces données constituent une mise en commun intéressante des banques de données DSL et LANL.

Tableau 2. Minimisation du risque bullaire et de sursaturation
 

Profondeur/Temps Risque bullaire Risque de sursaturation
(fsw/min) (m/min)

no stop
1 min 2.5 min 4 min 1 min 2.5 min 4 min
80/40 24,4/40
0.0210
0.0193
0.0190
0.0191
0.0212
0.0218
0.0226
90/30
27,4/30
0.0210
0.0187
0.0183
0.0184
0.0213
0.0220
0.0229
100/25
30,5/25
0.0210
0.0174
0.0171
0.0172
0.0215
0.0223
0.0234
110/20
33,5/20
0.0220
0.0165
0.0161
0.0162
0.0224
0.0232
0.0241
120/15
36,6/15
0.0200
0.0150
0.0146
0.0147
0.0210
0.0220
0.0238
130/10
39,6/10
0.0170
0 .0129
0.0125
0.0126
0.0178
0.0191
0.0213

 

Dans tous les cas, le risque de sursaturation est plus élevé que le risque bullaire, bien que les chiffres restent relativement faibles partout. Ce qui n’est guère surprenant puisque les tables de plongée sans palier de la Marine américaine sont utilisées avec succès pour la réalisation de plongées sans palier depuis de nombreuses années. Cela dit, les scores Doppler représentent sans aucun doute une préoccupation moderne pour tous les plongeurs, dont la plupart préféreraient certainement disposer de modèles de plongée qui minimisent les taux de bulles détectées par Doppler.

Banque de données LANL
La banque de données LANL contient actuellement quelque 2 879 profils. Ceux-ci comprennent 20 cas de MDD. L’incidence de MDD est dès lors de p = 20/2 879 = 0,0069, soit en dessous, mais plus proche, de 1 %. Les profils enregistrés affichent des profondeurs allant de 46 m à 256 m, la majorité ne dépassant toutefois pas les 107 m de profondeur. Toutes les données ont été saisies par les auteurs de la banque de données. Les plongeurs, les profils et les bilans ont ainsi été filtrés.

Les données relatives aux cas de MDD peuvent être décomposées comme suit :

  1. Plongées profondes au nitrox avec système à circuit ouvert, profil inversé – 5 cas (3 MDD de type I, 2 MDD de type II);
  2. Plongées profondes au nitrox avec système à circuit ouvert – 3 cas (2 MDD de type I, 1 MDD de type II);
  3. Plongées profondes au trimix avec système à circuit ouvert, profil inversé – 2 cas (1 MDD de type I, 1 MDD de type III);
  4. Plongées profondes au trimix avec système à circuit ouvert – 2 cas (1 MDD de type I, 1 MDD de type III);
  5. Plongées profondes à l’héliox avec système à circuit ouvert – 2 cas (2 MDD de type II);
  6. Plongées profondes au nitrox avec recycleur – 2 cas (1 MDD de  t ype I, 1 MDD de type II);
  7. Plongées profondes au trimix avec recycleur – 2 cas (1 MDD de type I, 1 MDD de type III);
  8. Plongées profondes à l’héliox avec recycleur – 2 cas (1 MDD de type I, 1 MDD de type II).

La MDD de type I désigne une atteinte des articulations, la MDD de type II désigne une atteinte du système nerveux central et la MDD de type III désigne une atteinte de l’oreille interne (se produit principalement chez les plongeurs utilisant des mélanges de type héliox). Les MDD de type II et III impliquent des lésions relativement graves, tandis que les MDD de type I sont moins traumatiques. Une plongée profonde au nitrox signifie une plongée réalisée audelà de 46 mètres de profondeur, une plongée profonde au trimix est réalisée au-delà de 61 mètres de profondeur et une plongée profonde à l’héliox est réalisée au-delà de 76 mètres de profondeur. Un profil inversé désigne toute séquence de plongées dont la plongée suivante est réalisée à une plus grande profondeur que la précédente.

Le nitrox est un mélange respiratoire composée d’oxygène et d’une proportion supérieure d’azote par rapport à l’air. Le trimix est un mélange respiratoire composé d’azote, d’hélium et d’oxygène. L’héliox est un mélange respiratoire composé d’oxygène et d’hélium. Aucun cas de MDD chez les plongeurs respirant du trimix ou de l’héliox n’a impliqué l’utilisation de mélanges enrichis à l’oxygène avec un système à circuit ouvert. Les cas de MDD chez les plongeurs sur recycleur n’ont jamais impliqué de pressions partielles d’oxygène supérieures à 1,4 atm. Le passage de l’azote à l’hélium (d’un gaz lourd à un gaz léger) a eu lieu dans quatre cas, violant les protocoles modernes de contre-diffusion isobare. La contre-diffusion isobare désigne le déplacement de deux gaz inertes (généralement l’azote et l’hélium) en direction opposée dans les tissus et le sang. Lorsque les tensions (pressions partielles) des gaz sont additionnées, il existe un risque de sursaturation et de formation de bulles.

Aucun des cas n’a été associé avec une intoxication à l’oxygène totale de l’organisme ou du système nerveux central. Les 20 cas sont survenus après que le plongeur ait ressenti un malaise, et ont été suivis d’un traitement en caisson hyperbare. Les profils proviennent soit de plongeurs saisonniers, soit de plongeurs participant à des tests sur le terrain de plus grande ampleur. Les plongeurs utilisaient des tables de décompression ainsi que des ordinateurs pour une meilleure sécurité. La plupart des profils nous parviennent par téléchargement depuis des ordinateurs et sont ensuite traduits dans un format utile. En fait, environ 88 % des entrées de la banque de données LANL sont téléchargées depuis des ordinateurs de plongée. Les données étant relativement sommaires, il est difficile de réaliser des statistiques compactes. Dans l’ensemble, l’incidence de MDD est faible, de l’ordre de 1 % ou moins. Les informations liées à la profondeur n’étant pas encore significatives, nous avons classé les données selon le gaz respiratoire utilisé (nitrox, héliox et trimix), comme mentionné précédemment. Cette classification est détaillée dans le tableau 3.

Tableau 3. Résumé des profils par mélange respiratoire/nombre de MDD

Mélange Nombre total de profils Nombre de cas de MDD Incidence
OC nitrox 344 8 0.0232
RB nitrox 550 2 0.0017
all nitrox 894 10 0.0112
OC trimix 656 4 0.0061
RB trimix 754 2 0.0027
all trimix 1410 6 0.0042
OC heliox 116 2 0.0172
RB heliox 459 2 0.0044
all heliox 575 4 0.0070
total 2879 20
0.0069

 

Bien que l’incidence de MDD soit plus élevée avec le nitrox, elle n’est pas significative du point de vue statistique en raison du faible nombre de données dont nous disposons actuellement. La dernière ligne du tableau concerne tous les mélanges confondus, comme discuté précédemment. Parmi l’ensemble de ces cas de MDD, 35 cas sont dits « marginaux » car une MDD n’a pas été diagnostiquée, mais le plongeur est sorti de l’eau en ressentant un malaise. Dans ce type de cas, il est rare que les plongeurs définissent leur plongée comme un cas de MDD.
Il est également intéressant de classer les profils de mélanges respiratoires par incréments de 100 pieds d’eau de mer (fsw) (c.-à-d. environ 30 mètres de profondeur), même s’il n’est pas possible d’établir de statistiques en fonction de la profondeur à partir de ces profils. Il est évident que 500 fsw (env. 150 mètres) est une profondeur limite du point de vue statistique pour cet ensemble de données. Par conséquent, nous avons limité les applications de l’algorithme LANL à 540 fsw (env. 165 mètres).

Tableau 4. Résumé des profils par mélange respiratoire/profondeur

  100 à
199 fsw
(env.30 à
60 m)
200 à
299 fsw
(env.61 à
90 m)
300 à
399 fsw
(env.91 à
120 m)
400 à
499 fsw
(env.121 à
150 m)
500 à
599 fsw
(env.151 à 180
m)
600+ fsw
(env.181 m
et plus)
total
OC nitrox 268 76         344
RB nitrox 213 246 91       550
OC trimix 10 388 226 26 4 2 656
RB trimix 22 358 226 108     754
OC heliox   42 49 25     116
RB heliox 12 195 143 107 2   459
total 525 1305 775 266 6 2 2879

 

Le nombre de cas de MDD correspondant pour le tableau 4 est détaillé dans le tableau 5.

Tableau 5. Résumé du nombre de MDD par mélange respiratoire/profondeur

  100 à
199 fsw
(env.30 à
60 m)
200 à
299 fsw
(env.61 à
90 m)
300 à
399 fsw
(env.91 à
120 m)
400 à
499 fsw
(env.121 à
150 m)
500 à
599 fsw
(env.151 à
180 m)
600+ fsw
(env.181 m
et plus)
total
OC nitrox 5 3         8
RB nitrox             2
OC trimix             4
RB trimix             2
OC heliox             2
RB heliox             2
total 5 6 5 3   1 20

 

Les profils sont associés à des plongées techniques (plongées longues ou profondes, utilisation de différents mélanges respiratoires, paliers de décompression et plongées extrêmes). Les profils associés à la communauté de plongeurs de loisir ne sont pas inclus, sauf s’ils impliquent une exposition prolongée (extrême) à l’air ou au nitrox (plongées répétitives, à des profondeurs supérieures à 45 mètres, exposition à l’altitude, etc.). Le faible nombre de données à disposition rend difficile la réalisation d’une analyse statistique. Nous utilisons une approche globale pour définir le risque après avoir ajusté le modèle aux données en nous fondant sur une estimation du maximum de vraisemblance. L’estimation du maximum de vraisemblance est directement liée à la probabilité binomiale de l’incidence de MDD chez les plongeurs et chez les aviateurs. Nous espérons que les quelques mots d’explication qui suivent permettront de dresser les grandes lignes de ce procédé mathématique complexe appliqué aux modèles et aux données, appelé estimation du maximum de vraisemblance. Il s’agit d’une approche largement utilisée dans l’analyse des données de plongée.

Comment analysons-nous les données des banques de données de profils ?
En vue d’analyser le risque, un estimateur de risque doit être utilisé et introduit dans les données. Les fonctions de risque de sursaturation et de croissance des bulles sont deux estimateurs de risque très répandus. Une explication plus détaillée à ce sujet est fournie notamment dans l’ouvrage intitulé Diving Physics With Bubble Mechanics And Decompression Theory In Depth. Ces estimateurs de risque peuvent être résumés en termes simples comme suit:

  1. l’estimateur de risque (rapport) de sursaturation – utilise la différence entre la tension totale de gaz inerte et la pression ambiante divisée par la pression ambiante en tant que mesure du risque ;
  2. l’estimateur de risque (rapport) bullaire – utilise le taux de croissance des bulles divisé par le volume
    initial de bulles formées suite à la compression-décompression en tant que mesure du risque.

Les expressions mathématiques (et les paramètres arbitraires qu’elles contiennent) sont ensuite ajustées aux données au moyen d’une estimation du maximum de vraisemblance. En d’autres termes, une fonction de probabilité de tous les profils et bilans de plongée contenus dans la banque de données est mise en correspondance du mieux possible dans l’espace des paramètres et des bilans. Des ordinateurs extrêmement rapides et des logiciels mathématiques sophistiqués sont nécessaires pour la mise en correspondance des paramètres et des bilans. Le laboratoire LANL utilise les superordinateurs les plus rapides que l’on puisse trouver en matière de traitement parallèle pour mener à bien ce processus d’ajustement.

Dans de nombreuses études, la fonction de risque de sursaturation n’est pas aisément mise en corrélation avec les données relatives aux paliers profonds, tandis que la fonction de risque bullaire s’ajuste aussi bien avec les données relatives aux paliers profonds qu’avec celles relatives aux paliers peu profonds. La fonction de risque bullaire que nous utilisons est dérivée du modèle de bulles à gradient réduit (RGBM) du LANL, qui a été utilisé avec un niveau de sécurité élevé à travers de nombreux secteurs de plongée dans différentes applications. On peut néanmoins affirmer sans exagérer que de nombreux modèles bullaires actuels afficheraient des résultats similaires, de manière générale, en comparaison avec les modèles à gaz dissous.

Qu’avons-nous appris des banques de données de profils?
Cet article pourrait s’étendre encore sur des pages et des pages, mais cela n’étant pas notre objectif, nous allons terminer avec quelques informations qui donnent matière à réflexion concernant les banques de données :

Banques de données Project Dive Exploration (PDE) et Diving Safety Lab (DSL)
Voici quelques informations intéressantes qui ressortent d’une analyse sommaire des données PDE et DSL :

  1. les modèles ne permetten pas toujours de faire des extrapolations en dehors de leurs points (données) d’étalonnage ;
  2. les techniques de probabilité combinées avec les modèles réels constituent des outils d’estimation du risque utiles pour les plongeurs ;
  3. les conditions de plongée (stress environnementaux) peuvent avoir un impact significatif  sur le niveau de risque ;
  4. l’indice de masse corporelle (IMC) est souvent liée avec le risque de MDD, en particulier chez les plongeurs plus âgés ou accusant une surcharge pondérale ;
  5. les facteurs humains tels que l’âge, le sexe et le niveau de certification influent sur le risque de morbidité et de mortalité en plongée ;
  6. les principales causes de morbidité et de mortalité en plongée sont la noyade, la presque-noyade, les barotraumatismes survenant durant la remontée et la MDD ;
  7. seuls 2 % des plongeurs de loisir utilisent des tables pour la planification de leurs plongées, le reste se fie uniquement à son ordinateur de plongée ;
  8. la plongée au nitrox connaît un essor fulgurant dans le secteur récréatif.

Banque de données LANL
Voici ce qui ressort d’une analyse des profils de la banque de données LANL en ce qui concerne les paliers dans les modèles bullaire et à gaz dissous :

  1. les données liées aux paliers profonds sont intrinsèquement différentes des données recueillies par le passé en vue de la validation des paramètres de plongée, en ce sens que les données passées sont principalement fondées sur des paliers en faible profondeur, ce qui peut influencer la planification des plongées ;
  2. les données liées aux paliers profonds et celles liées aux paliers peu profonds génèrent des estimations de risque identiques pour les plongées nominales, peu profondes et sans palier car les modèles bullaire et à gaz dissous convergent en cas de très petit écart de phase ;
  3. si les données relatives aux paliers peu profonds sont uniquement utilisées à des fins d’analyse, les estimations de risque du modèle à gaz dissous seront généralement plus élevées que celles obtenues à partir des données relatives aux paliers profonds ;
  4. l’oxygène pur ou l’EAN80 sont communément utilisés lors du changement de mélange respiratoire dans la zone des 6 mètres avec un système à circuit ouvert ;
  5. les paliers profonds représentent la norme dans le domaine de la plongée aux mélanges, où les cas de MDD sont inexistants ;
  6. à grande profondeur, les plongeurs évitent de passer d’un mélange riche en hélium à un mélange riche en azote – ils augmentent plutôt la fraction d’oxygène en réduisant la fraction d’hélium ;
  7. les ordinateurs de plongée intégrant le palier profond sont généralement utilisés en tant qu’alternative de sécurité ou de secours, la préférence étant portée sur les tables et la planification de la plongée pour les plongées à palier profond ;
  8. parmi les plongées aux mélanges, avec paliers de décompression et à palier profond, réalisées avec des tables, logiciels ou instruments de mesure des paliers profonds, le nombre de cas de MDD est nul ;
  9. l’incidence de MDD est plus élevée en plongée technique qu’en plongée récréative, mais elle reste faible ;
  10. l’utilisation du recycleur se répand dans les différents secteurs de plongée ;
  11. les ordinateurs de plongée de poignet sont équipés de puces dont la puissance permet la réalisation de calculs liés aux modèles bullaires les plus complexes ;
  12. les données liées aux plongées techniques sont les plus importantes pour la mise en corrélation des modèles et des données ;
  13. les plongeurs techniques ne plongent pas à l’air, en particulier s’ils effectuent des plongées profondes, pour lesquelles ils portent leur choix sur le trimix et l’héliox ;
  14. les tables, logiciels et instruments de mesure des paliers profonds connaissent énormément de succès parmi les plongeurs professionnels ;
  15. la plongée technique connaît un essor fulgurant, et de plus en plus de données relatives à la plongée technique provenant des ordinateurs et des chronomètres de fond deviennent accessibles.

Remerciements

Dick Vann, Petar Denoble, Peter Bennett et Alessandro Marroni ont fourni d’innombrables informations sur les projets PDE et DSL ; nous les remercions sincèrement pour leur contribution. Nous les remercions également d’avoir mis en ligne la première banque de données de profils. Nous adressons un merci spécial aux membres du C&C Dive Team et au Los Alamos National Laboratory. Les installations informatiques sophistiquées du laboratoire LANL permettent de résoudre les problèmes les plus complexes. Enfin, nous aimerions également remercier les organismes de formation (NAUI, ANDI, GUE, IDF, FDF), Meter Vendors (Suunto, Mares, Dacor, HydroSpace, Atomic Aquatics, UTC, Plexus, Zeagle, Steam Machines) et les fournisseurs de logiciels (GAP, ABYSS, HydroSpace) de nous avoir procuré des statistiques et des données sur les utilisateurs en ce qui concerne les régimes de formation RGBM, l’utilisation des tables et la mise en application des mesures.

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