Photo: Marcello Di Francesco
Safety

Scooters sous-marins : du jouet à l’outil sans oublier les soucis

Les avantages et les risques de l’utilisation des propulseurs de plongée

Laissez-moi vous conter une histoire : trois plongeurs (A, B, C) partent pour une plongée avec décompression à une profondeur fixée de 50 m. En complément de leurs deux bouteilles de gaz respiratoire, chaque plongeur transporte deux blocs de décompression contenant respectivement de l’air enrichi à 50% et de l’O2 pur. En raison de forts courants attendus sur le site et de la quantité d’équipement transporté, les plongeurs décident de louer des scooters sous-marins.

Après une descente initiale à environ 30 m, l’équipe suit une pente couverte de débris menant à l’objectif de la plongée, un récif profond s’étendant à partir de 42 m. Les courants étant ce jour-là encore plus forts que prévu, ils poussent les plongeurs par l’arrière et vers le bas. L’équipe s’arrête et se retourne brièvement pour vérifier que leurs scooters sont capables d’y faire face, ce qui se confirme. Les plongeurs poursuivent et arrivent sur la partie haute du récif peu après.

Environ une minute plus tard, le plongeur A (en tête) regarde derrière lui et ne voit qu’un seul éclairage primaire au lieu des deux attendus. Il manque un membre de la palanquée. A et B font demi-tour et remontent le courant, repérant finalement C, qui leur fait signe. L’hélice du scooter sous-marin de C s’est accidentellement emmêlée dans un corail fouet et elle est coincée.

Les tentatives des plongeurs pour démêler le scooter échouent : la tige du corail s’était enroulée autour de l’arbre de l’hélice et s’était fermement logé dans l’espace étroit entre l’hélice et le corps du scooter. L’équipe décide alors de couper le corail fouet, de mettre fin à la plongée et de remorquer C et son scooter hors service vers une zone à l’abri du courant connue des plongeurs pour y commencer leur décompression.

Photo : Nicola Boninsegna

Cependant, si les scooters étaient capables d’affronter le courant avec un seul plongeur, ce n’était plus le cas avec deux plongeurs tractés par un seul scooter. Malgré tous les efforts de la palanquée, leur progression le long de la pente restait infime. Et pendant ce temps, leur temps de décompression continuait de s’accumuler. Après quelques minutes, l’équipe décide d’abandonner, et de remonter en eau libre en se laissant porter par le courant.

La palanquée déploie ses parachutes de plongée immédiatement après le premier changement de gaz respiratoire afin d’alerter l’équipage du bateau du changement de situation. Lorsque les plongeurs refont surface, la terre ferme est pratiquement hors de vue. Heureusement, l’équipage du bateau a été attentif et a pu récupérer les plongeurs après leur remontée, à plus de deux kilomètres du point de sortie prévu.


Les scooters sous-marins ou propulseurs de plongée (aussi souvent désignés DPV – Diver Propulsion Vehicle – en anglais) sont de plus en plus populaires, et pour cause : ils permettent de couvrir une plus grande distance, réduisent la consommation d’air en diminuant l’effort et améliorent la sécurité en permettant aux plongeurs de se déplacer à contre-courant. Ils sont par ailleurs particulièrement ludiques à utiliser.

Cependant, l’utilisation des scooters sous-marins s’accompagne également de nouveaux moyens de s’attirer des ennuis, certains évidents, d’autres moins. J’en ai beaucoup utilisé en plongée tech et j’ai formé un certain nombre d’élèves à leur utilisation. Dans cet article, j’aimerais expliquer certains des aspects à prendre en compte lorsque l’on plonge avec des scooters sous-marins, et comment les aborder. Il va sans dire que cet article n’a en aucun cas pour but de remplacer une formation dispensée par un instructeur qualifié.

L’évolution des scooters sous-marins

Ces dernières années, grâce aux progrès de la technologie des batteries, la conception des scooters a connu une évolution fulgurante. Les scooters sur lesquels j’ai appris avaient à peu près la taille d’une bouteille de plongée, étaient alimentés par une batterie de voiture au plomb et avaient une autonomie d’environ 50 à 60 minutes en vitesse modérée. Aujourd’hui, un appareil à peine plus grand qu’un sèche-cheveux du commerce peut fournir une puissance similaire, tandis que les scooters de la taille d’une bouteille de plongée peuvent avoir une autonomie de plusieurs heures et se déplacer à des vitesses plus élevées que ce qui est nécessaire la plupart du temps.

Un grand pouvoir…

En plongée loisir, les scooters sont surtout utilisés pour varier les plaisirs. Ils permettent aux plongeurs de couvrir une plus grande superficie et peut-être de visiter plusieurs sites en une seule plongée. Les novices ont tendance en particulier à trouver la sensation de vitesse sous l’eau particulièrement grisante. J’ai vu des adultes filer comme des enfants de quatre ans dopés à la barbe à papa, et être réticents à lâcher la gâchette. Les utilisations moins frivoles en plongée loisir comprennent l’optimisation de la consommation d’air en réduisant l’effort, ainsi que la navigation à contre-courant.

En plongée tech, le focus porte sur un aspect quelque peu différent. Ici, les scooters sous-marins sont avant tout des outils (bien qu’ils restent divertissants, il faut l’admettre). La réduction de l’effort devient primordiale avec la profondeur, et la capacité à faire face au courant peut faire la différence entre terminer sa décompression dans un endroit abrité préalablement convenu et dériver en pleine mer en attendant que les ordinateurs se remettent à zéro. En plongée souterraine, la vitesse d’un scooter permet aux plongeurs d’étendre considérablement le champ d’exploration, en visitant des sections de la grotte qui seraient autrement inaccessibles.

Je plonge principalement dans des endroits avec de forts courants (Puerto Galera aux Philippines), et nous considérons les scooters sous-marins comme un équipement de sécurité essentiel pour les plongées techniques plus profondes. Ils nous permettent d’aller où nous voulons et d’éviter d’être emportés là où nous ne voulons pas aller.

Photo : Elke Riedl

…implique de grandes responsabilités

Les scooters permettent d’aller vite, et c’est le but. Un plongeur expérimenté est capable de maintenir une vitesse constante d’environ 15 mètres par minute en palmant sans efforts excessifs. Même un scooter milieu de gamme peut facilement tripler cette vitesse. Avec une visibilité de seulement 15 m, perdre le contact avec sa palanquée ou son binôme peut se jouer en quelques secondes si les plongeurs se déplacent dans des directions différentes. Une discipline d’équipe solide est indispensable, et porter une lampe de plongée est une bonne idée, même lors des plongées de jour, non pas pour mieux voir, mais pour être vu plus facilement.

Un autre aspect à prendre en compte vis à vis de la vitesse d’un scooter sous-marin est l’équilibrage des oreilles. Bien que les scooters ne doivent être utilisés que pour se déplacer à l’horizontale, des changements de profondeur se produisent lorsque l’on appuie sur la gâchette, par inadvertance, soit en descendant ou en remontant un récif en pente. En particulier en eaux peu profondes, des changements rapides de profondeur peuvent entraîner des problèmes d’équilibrage, voire un barotraumatisme.

En raison de la compression et de la dilatation des combinaisons de plongée et gilets stabilisateurs, les changements de profondeur entraînent également des modifications de la flottabilité. Avec un scooter, ces changements de flottabilité peuvent facilement passer inaperçus. Par exemple, un plongeur avec une flottabilité positive peut instinctivement compenser en maintenant le scooter légèrement orienté vers le bas. Mais, d’une part, cela crée une traînée inutile, d’autre part, une fois que le plongeur lâche la gâchette, il commencera immédiatement à remonter vers la surface.

Vous est-il déjà arrivé de vous retrouver dans un courant si fort que l’un de vos détendeurs se mette à fuser ? Avec un scooter sous-marin à vive allure, cela peut se produire sans aucun courant, laissant le plongeur avec un grand sourire, une traînée de bulles dans son sillage et une mauvaise surprise à l’horizon.

Pour éviter cela, les seconds étages non utilisés (c’est-à-dire l’octopus, la source d’air alternative ou de secours) doivent être maintenus en position basse et, idéalement, rangés là où le plongeur peut détecter s’il se met à fuser. Un flexible court sur un collier est préférable à la configuration traditionnelle en plongée loisir, où le détendeur de secours est gardé sur le côté du plongeur. Vérifier sa réserve d’air tout en utilisant le scooter sous-marin est une aptitude importante, et l’une des raisons pour lesquelles les scooters conçus pour être utilisés d’une seule main (avec une longe attachée au harnais du plongeur) sont préférables à ceux qui nécessitent les deux mains pour être manipulés.

Tous ces points essentiels – la cohésion d’équipe, l’égalisation, la flottabilité, la vérification de la pression de gaz respiratoire – peuvent facilement être négligés par des plongeurs débutants, insuffisamment formés ou inattentifs.

La navigation

Les plongées en scooter peuvent se terminer assez loin du point de départ, potentiellement hors de vue. Si le plan pour sortir de l’eau implique d’être récupéré par un bateau ou un zodiac, le point de sortie doit être communiqué à l’équipage du bateau. La vitesse permet également de manquer plus facilement les points de repère de la navigation et de se perdre, surtout si la gestion du scooter en lui-même absorbe encore une part importante de l’attention du plongeur.

Photo : Nicola Boninsegna

« On ne peut pas se sortir d’une plongée en scooter, à la nage »

Les scooters sous-marins peuvent être utilisés pour visiter des endroits qui seraient autrement inaccessibles. L’application la plus courante est pour les grottes, mais la plongée du bord est une autre possibilité. Bien que 500 m soient une longue distance à parcourir à la nage avec un équipement de plongée complet, ce n’est pas si difficile avec un scooter qui permet d’aller vite. Cependant, si les plongeurs décident d’utiliser des scooters de cette manière, ils doivent avoir un plan B pour rentrer au cas où le scooter tomberait en panne.

Les scooters sous-marins peuvent tomber en panne de différentes manières. Dans le passé, la principale cause de panne était l’épuisement de la batterie. Cependant, compte tenu de l’évolution de la technologie des batteries, ce n’est plus vraiment un problème, sauf pour les plongées en grotte de longue durée ou avec des scooters très petits (ou anciens).

Pour la plupart des plongées en pleine mer, la réponse à une panne de scooter peut être une remontée à la surface. Cependant, si un scooter est utilisé pour une plongée du bord de longue distance, cela peut ne pas être souhaitable. La forte circulation des bateaux en surface peut être dangereuse pour les plongeurs, et les courants peuvent rendre le retour vers la côte difficile, voire impossible. Le remorquage par un autre plongeur peut être une option avec une formation appropriée et un propulseur suffisamment puissant. Dans les situations où la remontée à la surface n’est absolument pas envisageable (plongée souterraine par exemple), un scooter de secours devient une nécessité – un plongeur revenant à la nage manquerait d’air avant de pouvoir atteindre la sortie. Comme l’un de mes instructeurs aime le dire, « on ne peut pas se sortir d’une plongée en scooter, à la nage ».

Scooters sous-marins & caméras

Les plongeurs qui font du scooter le long d’un magnifique récif peuvent réaliser de très belles séquences vidéo. Cependant, il ne faut pas oublier qu’il faut également diriger le scooter, tenir une lampe de plongée, gérer sa flottabilité, surveiller sa consommation d’air et prêter attention à sa palanquée. Manier simultanément une perche à selfie et s’assurer que vos cheveux sont bien coiffés, c’est souvent un peu trop demandé. Il existe cependant des solutions : en planifiant et en discutant au préalable avec vos binômes, vous pouvez choisir un endroit, y rester pour la durée de la prise de vue, puis plier bagage et ranger l’appareil photo avant de continuer. Une autre possibilité consiste à monter une caméra de type « action cam » sur le scooter lui-même et à enregistrer toute la plongée.

Conclusion

Qu’ils soient utilisés comme des jouets ou en tant qu’outils, les scooters peuvent apporter un véritable plus à vos plongées. Cependant, pour les utiliser de manière adéquate en toute sécurité, il faut être formé, s’entraîner, planifier et faire preuve de discipline. Peut-être que cet article vous donnera envie d’essayer et de découvrir une nouvelle façon de plonger ou, si vous êtes déjà un plongeur DPV, d’élargir vos compétences et d’apprendre à utiliser un scooter comme le font les plongeurs tech et spéléo. Vroom, vroom.


À propos de l’auteur

Tim Blömeke enseigne la plongée tech et loisir à Taïwan et aux Philippines. Il plonge avec un recycleur Fathom. Il est également auteur et traducteur freelance, ainsi que membre de l’équipe éditoriale d’Alert Diver. Pour toute question, commentaire ou demande de renseignements, vous pouvez le contacter via son blog ou Instagram.


Traductrice : Florine Quirion

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