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Approfondir encore et toujours : les dernières recherches physiologiques sur la plongée profonde en recycleur

Les plongeurs en recycleur amateurs des profondeurs ne se contentent pas d'explorer de nouveaux sites de plongée rarement visités, ils avancent également en terrain inconnu en ce qui concerne les effets physiologiques de ces plongées. Deux études récentes menées par des chercheurs hyperbares, dont Costantino Balestra de DAN Europe, viennent étoffer un corpus de données encore restreint.

Contrairement aux plongeurs en circuit ouvert, qui sont limités aux mélanges de gaz fixes contenus dans leurs bouteilles, les plongeurs en recycleur à circuit fermé (CCR – closed circuit rebreather) ont la possibilité de gérer la composition de leur gaz respiratoire au cours de la plongée. Ils utilisent cette capacité pour maintenir une pression partielle d'oxygène (PO2) optimale et ainsi réduire au minimum leur absorption de gaz inerte. Par conséquent, l'utilisation d'un recycleur permet de réduire les temps de décompression par rapport à la plongée en circuit ouvert.

En outre, le fait d'être sur un recycleur réduit considérablement la quantité de gaz utilisée par un plongeur – un facteur important compte tenu de la difficulté et du prix pour se procurer de l'hélium dans de nombreuses régions du monde. Tous ces facteurs ont contribué à faire du passage du circuit ouvert au circuit fermé une tendance importante de la plongée technique au cours des deux dernières décennies. De nouveaux fabricants de recycleurs et de systèmes électroniques sont entrés sur le marché, la technologie des recycleurs arrive à maturité et devient plus fiable, et les plongées profondes en recycleur deviennent plus courantes.

Cependant, il y a un hic. Notre connaissance de la décompression et d'autres aspects physiologiques de ce type d'immersion repose en grande partie sur les données d'un très grand nombre de plongées, dont la grande majorité sont relativement peu profondes. À des profondeurs allant jusqu'à 50 mètres, nous avons une idée assez précise de ce qui fonctionne et de ce qui ne fonctionne pas pour une personne moyenne. Toutefois, plus la profondeur augmente, plus les données se raréfient. Bien qu'il existe un solide corpus de recherches sur la plongée commerciale (scaphandriers) et la plongée à saturation à de grandes profondeurs, les conditions dans lesquelles ces plongées sont effectuées sont très différentes des plongées "à rebond" (c'est-à-dire de la surface vers la surface, sans passage par une cloche de décompression par exemple) effectuées par les plongeurs techniques, de sorte que les enseignements tirés de ces recherches n'ont qu'une pertinence limitée.

Les décisions relatives aux procédures de décompression prises par les plongeurs techniques en profondeur et en recycleur sont quelque peu hypothétiques, car les algorithmes de décompression utilisés ne sont validés que pour des profondeurs plus faibles.

Déshydratation, fonction pulmonaire réduite, bulles imprévisibles

Afin de changer cette situation peu enviable, deux études physiologiques publiées en 2021 contribuent à étoffer l'ensemble restreint mais croissant des connaissances. La première étude a été menée lors d'une expédition à Tahiti, dont l'objectif principal était la collecte d'échantillons de récifs coralliens récemment découverts dans la zone mésophotique à des profondeurs entre 90 et 120 mètres. Les plongeurs étaient des hommes en bonne forme physique, la plupart âgés d'une trentaine d'années et dotés d'une solide expérience. Le nombre total de plongées était de 16. Les chercheurs ont mesuré une série de paramètres physiologiques, notamment la spirométrie (performance pulmonaire), la masse corporelle (en tant qu'indicateur d'hydratation), l'hématocrite (volume des globules rouges dans le sang), la variabilité de la fréquence cardiaque (VFC) à court terme ainsi que la fréquence critique de fusion de scintillement (FCFS) en tant qu'indicateur potentiel des troubles cognitifs.

Les principales conclusions des chercheurs étaient qu'il y avait une perte considérable de masse corporelle due à la déshydratation – une diminution de 3,5 kg, de 73,5 à 70,0 kg, pour la médiane – ainsi qu'une réduction significative de la fonction pulmonaire immédiatement après la plongée, dont les plongeurs se remettaient finalement. Bien que la FCFS soit encore en cours d'évaluation en tant qu'indicateur de la performance cognitive, le fait qu'aucun changement n'ait été observé est conforme à notre connaissance sur l'utilisation de l'hélium pour réduire la narcose et des effets excitateurs de la respiration d'oxygène hyperbare.

Dans la seconde étude, les chercheurs ont accompagné une expédition de plongée sur épaves en mer Rouge, avec des plongées à des profondeurs de 64, 97 et 123 mètres. Bien que de nouveau entièrement masculin, le groupe de plongeurs était plus diversifié que le premier en termes d'âge, de corpulence et de condition physique. L'étude s'est concentrée sur le stress de décompression, mesuré par un enregistrement des emboles gazeux veineux (EGV), ou bulles, au moyen d'une échocardiographie Doppler sous-clavière, effectuée à 30 et 60 minutes après avoir fait surface.

Costantino "Tino" Balestra est professeur de physiologie à la Haute École de Bruxelles-Brabant, ainsi que vice-président de la recherche et de la formation de DAN Europe. Il faisait partie de ces deux équipes de recherche et a eu la gentillesse de partager avec Alert Diver certaines de ses observations tirées de ces deux études.

"Une chose qui devient claire pour nous, c'est qu'il est très difficile de prédire le nombre d’EGV d'un plongeur individuel sur la base de sa saturation et de sa désaturation, même si vous tenez compte de facteurs tels que l'âge, la forme physique et l'IMC", explique Balestra. "Chez certaines personnes, nous voyons des bulles là où il ne devrait pas y en avoir. D'autres personnes ne semblent pas faire beaucoup de bulles alors qu'elles plongent avec des profils relativement agressifs. Les facteurs individuels semblent jouer un rôle important.

En ce qui concerne l'étude de Tahiti, Balestra déclare : "Nos principales conclusions ici étaient la réduction temporaire de la fonction respiratoire et la déshydratation après des plongées très profondes. Nous pouvons supposer que ces plongées mettent le corps des plongeurs à rude épreuve."

Sujets humains et éthique scientifique

Mener des recherches sur les plongées profondes en recycleur présente un certain nombre de défis. "Les plongées profondes en recycleur ne sont pas très courantes, et elles ont tendance à se dérouler loin des laboratoires universitaires. Les opportunités de recherche sont rares, et nous défrichons un nouveau territoire ici", déclare Balestra. "Et il y a d'autres limitations. En tant que chercheur, je peux observer et prendre des mesures, mais je ne peux pas dire aux gens comment plonger. Ce serait tout à fait contraire à l'éthique. La plongée profonde en recycleur est risquée, les gens mettent leur corps en jeu, et il faut que ce soit à cent pour cent leur propre décision."

Perspectives et un petit conseil

On constate une nette tendance à l'utilisation accrue des recycleurs pour la plongée profonde, et Balestra pense que cette tendance ne disparaîtra pas de sitôt. "Il y a tellement de choses passionnantes à voir, et les gens sont fascinés par cette technologie", déclare-t-il. Toutefois, lorsqu'on lui demande quels conseils il donnerait à quelqu'un qui envisage de se lancer dans ce type de plongée, il invite à la prudence. "Vous devez d'abord vous demander combien de plongées vais-je faire par an ? Les recycleurs sont beaucoup plus complexes à utiliser que les équipements à circuit ouvert, et il faut beaucoup de pratique juste pour garder ses compétences opérationnelles. De plus, un recycleur est une machine très coûteuse. Si vous faites moins de cinquante plongées par an, je doute que cela en vaille la peine, tant en termes de risque que de coût."

Et pour ceux qui ont décidé de se jeter à l’eau ?

"Du point de vue de la science hyperbare : Ne vous fiez pas uniquement à votre protocole de décompression pour vous protéger d'un accident de décompression. Mais au delà de cela, ce que vous faites dans votre vie quotidienne et même immédiatement avant la plongée peut être aussi important que votre choix de facteurs de gradient. De nouvelles recherches intéressantes vont dans ce sens, et elles ne s'appliquent pas seulement aux personnes qui vont à 120 mètres. Bougez. Faites de l'exercice. Ici, à DAN Europe, nous constatons une récente augmentation de l'incidence des accidents de décompression qui, selon nous, est liée au fait que les gens mènent un mode de vie plus sédentaire depuis la pandémie."


Références

Dugrenot, E., Balestra, C., Gouin, E. et al. Physiological effects of mixed-gas deep sea dives using a closed-circuit rebreather: a field pilot study. Eur J Appl Physiol 121, 3323–3331 (2021).

Balestra, C., Guerrero, F., Theunissen, S. et al. Physiology of repeated mixed gas 100-m wreck dives using a closed-circuit rebreather: a field bubble study. Eur J Appl Physiol 122, 515–522 (2022).


À propos de l’auteur

Tim Blömeke enseigne la plongée récréative et technique à Taïwan et aux Philippines. C’est un plongeur passionné par les grottes, les épaves et la plongée au recycleur. Il est aussi contributeur et traducteur pour Alert Diver. Il vit à Taïpei à Taïwan. Vous pouvez le suivre sur Instagram à @timblmk.


Traductrice : Florine Quirion

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