DAN entreprend le recueil de données sur les incidents de plongée en apnée

Catégories de plongée en apnée
La plongée en apnée désigne une activité sous-marine qui se situe dans une zone parfois imprécise entre la natation et la plongée à l’air comprimé. L’ambiguïté vient du fait que le terme « plongée en apnée » est un nom arbitraire donné à une activité qui ne requiert pas nécessairement le blocage de la respiration. En fait, ce terme se rapporte plutôt à la possibilité d’effectuer des apnées. Il désigne typiquement l’utilisation d’un matériel de plongée de base, comme un masque et un tuba, et parfois une combinaison, une ceinture de lest et des palmes. Contrairement à la plongée en scaphandre, aucun apport de gaz respiratoire autre que l’air ambiant n’est utilisé en plongée en apnée. Il existe différentes catégories de plongée en apnée, notamment le snorkelling, la plongée libre et la pêche ou la chasse sous-marine.

Le snorkelling est la catégorie la plus vaste. Elle comprend toute activité de natation réalisée avec un masque, un tuba et des palmes (sans apport d’air comprimé). Les snorkellers peuvent demeurer exclusivement à la surface et ne jamais effectuer d’apnée, ou au contraire effectuer uniquement des apnées. En plongée libre, les plongeurs portent généralement un masque et des palmes de différents types, et descendent parfois à des profondeurs importantes en retenant leur respiration. La nature des plongées varie considérablement selon les compétences individuelles et l’objectif des plongeurs. La plongée libre de compétition se compose de quatre épreuves : deux épreuves en piscine et deux épreuves en eaux libres.

  • L’apnée statique est la plus simple : il s’agit d’une apnée réalisée sous l’eau, au repos (sans déplacement).
  • En apnée dynamique, le plongeur effectue un déplacement horizontal en nageant sous la surface de l’eau.
  • L’apnée à poids constant implique un déplacement vertical que le plongeur effectue le long d’un bout tout en portant un poids constant, à la descente comme à la remontée.
  • En apnée no limit, le plongeur effectue un déplacement vertical en portant un poids à la descente, mais non à la remontée.

La chasse ou la pêche sous-marine en apnée vise uniquement la recherche de nourriture, sans nécessairement impliquer l’atteinte d’importantes profondeurs. L’apnée en piscine est un exercice dont le principal objectif consiste à améliorer le temps d’apnée (il n’est pas question de profondeur). Différentes techniques, comme la relaxation ou l’hyperventilation volontaire, sont utilisées pour atteindre cet objectif et augmenter ses performances au sein d’un environnement relativement contrôlé. DAN maintient une base de données d’accidents de plongée depuis 1987. Bien que les accidents de plongée en apnée sortent du cadre initial de cette base de données, plusieurs cas ont été rapportés à DAN depuis 1994. Le rapport annuel de DAN de 2005 sur la pathologie de décompression, les accidents de plongée et l’étude Project Dive Exploration fournit un premier aperçu des données disponibles sur les accidents de plongée en apnée. Dorénavant, les accidents de plongée en apnée seront étudiés au même titre que les accidents de plongée en scaphandre.
 

Le recueil et l’analyse de données liées aux accidents ne cherchent pas à dénoncer, mais bien à tirer un apprentissage de ces accidents. Dans certains cas, il s’agit d’accidents « immérités » se produisant en la présence d’une expérience solide, d’une planification sérieuse, d’un équipement approprié et d’une sécurité adéquate. Ces cas nous rappellent les risques fondamentaux inhérents à la plongée et les précautions à prendre. D’autres accidents découlent de problèmes auxquels il est possible de remédier, liés par exemple à l’entretien du matériel, à son utilisation, à un manque de formation ou à une mauvaise application des procédures. Ces cas traduisent la nécessité d’apporter des changements qui permettront de réduire les risques à l’avenir. Le recueil de données relatives aux accidents de plongée pose néanmoins un défi, car il est rare de connaître tous les faits liés à un accident.
 

Une grande part de raisonnement par déduction et parfois de supposition est nécessaire pour interpréter les événements. Le rapport de 2005 inclut 145 cas répartis sur une période s’étalant de 1994 à 2004. Les témoignages sont rarement complets. Quasiment tous les cas rapportés (98 %, n=142) incluaient un décès. Une description catégorique de l’activité principale réalisée par la victime de l’accident était disponible dans 67 % des cas (n=97). La figure 1 fournit un résumé des cas connus. Les termes relativement génériques de « snorkelling » et de « plongée libre récréative » ont été utilisés dans plus de 60 % des cas rapportés. L’emploi peu fréquent des termes plus spécifiques d’« apnée de compétition » et d’« apnée en piscine » reflète la rareté des accidents dans ces activités.

Principaux facteurs favorisants des accidents mortels
La cause de décès la plus fréquemment rapportée dans le cadre des accidents de plongée en scaphandre ou en apnée est la noyade. Malheureusement, l’on ne dispose généralement que de très peu d’informations relatives aux facteurs ayant contribué à cet événement. Lorsque les données disponibles sont incomplètes, seules les principales causes peuvent être déterminées. Il ne faut toutefois pas oublier que des facteurs plus subtils peuvent également être à l’origine de l’accident. L’une des façons pour les plongeurs de tirer un enseignement des rapports d’accident pourrait consister à intégrer les scénarios dans la pratique, en visualisant le déroulement de leur plongée et en essayant d’identifier – et de corriger – tous les éléments susceptibles de poser un risque. Les principaux facteurs favorisants ont été établis dans seulement 24 % (n=34) des cas d’accident rapportés pour la plongée en apnée. La plupart des rapports disponibles se limitaient à une déclaration préliminaire de l’accident. Toutefois, malgré la pauvreté des données, les scientifiques ont pu identifier différents schémas d’accident.

Enchevêtrement : il peut s’agir d’enchevêtrement dans le kelp (grandes algues brunes du Pacifique), dans des lignes de pêche ou dans des lignes d’amarre. Les plongeurs en apnée ont très peu de temps pour se libérer d’un enchevêtrement. Le choix de l’équipement à emporter et des procédures à utiliser en plongée en apnée revêt dès lors une grande importance. Par exemple, pour la pêche sous-marine, il sera judicieux d’utiliser des harpons ou d’autres dispositifs dépourvus de longues lignes. De même, la plongée en apnée peut présenter certains risques lorsqu’il s’agit de décrocher une amarre dans une mer houleuse ou en profondeur. Une bonne connaissance du site sous-marin réduira les risques encourus.

Interactions avec le bateau de plongée : plusieurs cas impliquaient le heurt d’un plongeur par un bateau. Dans certains cas, un drapeau de plongée et une équipe de surveillance en surface étaient présents. Le retour du plongeur à la surface de l’eau s’accompagne d’un risque considérable, en particulier dans les zones à trafic élevé. Le port d’équipements aux couleurs vives et l’utilisation de drapeaux de plongée améliorent la visibilité des plongeurs pour les bateaux de passage.

Interactions avec la faune sous-marine : l’un des accidents mortels impliquait une méduse, et plusieurs cas, mortels ou non, étaient dus à une attaque de requins. Les requins sont susceptibles d’être attirés par les plongeurs en apnée qui pratiquent la pêche sous-marine. Dans certains cas, l’on peut également émettre l’hypothèse que le plongeur ait été confondu avec une proie plus typique, comme un phoque. Bien qu’une combinaison de couleur vive ne suffise peut-être pas à éloigner les requins, elle augmentera la visibilité du plongeur à la surface. Il est par ailleurs recommandé de sortir le poisson harponné au plus vite de l’eau. Il ne doit jamais être attaché au plongeur sous l’eau.

Activités en solo ou dépourvues d’une sécurité adéquate : des cas d’accidents mortels ont été rapportés en relation avec des plongées en solo effectuées en piscine, dans des plans d’eau douce et en mer. Il est probable que la présence d’une tierce personne ait permis d’éviter le pire, du moins dans certains cas. Pour assurer une meilleure sécurité en eau claire, il est préférable de plonger à deux et de se relayer (pendant que l’un plonge, l’autre reste à la surface). Les deux plongeurs doivent être conscients de leur limite de profondeur et rester bien en deçà de cette limite. Les environnements plus extrêmes requièrent un système de sécurité plus étendu, incluant une structure de groupe organisée et dédiée.

Erreurs comportementales
Médicaments et alcool: l’absorption de substances susceptibles de réduire l’acuité mentale ou les performances physiques représente un facteur de risque significatif. Selon les données rapportées, au moins deux cas mortels impliquaient une ingestion d’alcool préalablement à la plongée. Même s’il est impossible de déterminer l’impact réel de l’alcool, celui-ci a pu influer sur les décisions et la baisse de performance ayant conduit aux accidents.

Hyperventilation excessive et syncope hypoxique: l’hyperventilation excessive avant une plongée en apnée représente également une erreur comportementale, quoique moins évidente que l’ingestion d’alcool. L’hyperventilation peut réduire radicalement la pression partielle de dioxyde de carbone dans le sang. Le dioxyde de carbone étant le principal déclencheur de l’envie de respirer, une baisse du taux de CO2 sanguin retarde le réflexe inspiratoire jusqu’à ce que les niveaux sanguins reviennent à la normale. La durée de l’apnée est par conséquent allongée. Cependant, l’hyperventilation n’augmente que de très peu le stock d’oxygène dans l’organisme. Cela signifie que lors d’apnées de longue durée, la pression partielle d’oxygène dans le sang descendra sous le niveau normal (hypoxie). Or, l’hypoxie n’est qu’un faible déclencheur inspiratoire. En cas d’hyperventilation excessive, le plongeur risque donc de perdre connaissance sans même avoir eu l’envie de respirer. C’est ce que l’on appelle la syncope hypoxique.

Rendez-vous syncopal des sept mètres: une autre complication de l’apnée provient de l’augmentation de la pression en profondeur, qui entraîne une compression du gaz dans les poumons et accroît la pression partielle d’oxygène dans le sang. Le problème est que cet effet s’inverse lorsque le plongeur remonte à la surface. Comme la pression ambiante diminue, la pression partielle d’oxygène décroît plus fortement qu’en temps normal. Le plongeur risque de perdre connaissance vers la fin de sa remontée, lorsque la baisse relative de pression est la plus élevée. Ce phénomène s’appelle le rendez-vous syncopal des sept mètres. Les plongeurs en apnée qui utilisent la technique de l’hyperventilation apprennent en général à connaître leurs propres limites de sécurité. Toutefois, en cas d’usage trop agressif de cette technique, même une faible augmentation de la profondeur de la plongée, de l’effort fourni ou de la durée de l’apnée peut devenir dangereuse.

En fait, l’hyperventilation à l’origine d’une syncope hypoxique ou d’un « rendez-vous syncopal des sept mètres » représente le principal facteur favorisant de nombreux cas d’accidents mortels de plongée en apnée pour lesquels l’on ne dispose pas d’explication claire. Dans la plupart des cas, ce phénomène est très difficile à documenter, mais il s’agit d’un risque réel que l’on peut aisément réduire en plongeant prudemment. Non-retrait de la ceinture de lest – la dernière erreur comportementale dont nous parlerons ici est le non-retrait de la ceinture de lest au moment opportun. Plusieurs rapports d’accidents mortels indiquent que les victimes portaient toujours leur ceinture de lest. Dans la plupart des cas, il est difficile de savoir si l’accident a été provoqué par une hypoxie ayant réduit la capacité de réponse du plongeur, ou par un accès de panique. Au moins un cas met en évidence une baisse de la capacité de réflexion lors d’un événement stressant. Le plongeur en apnée exténué portait toujours sa ceinture de lest lorsque des sauveteurs l’ont récupéré en surface. Il a déclaré qu’il était sur le point de s’évanouir. Le retrait de sa ceinture aurait peut-être évité qu’il n’en arrive à ce point.

Problèmes liés à l’équipement
L’un des rapports d’accident indique que le plongeur en apnée a perdu connaissance au moment où celui-ci terminait sa plongée et arrivait en surface (il s’agit probablement d’un cas de rendez-vous syncopal des sept mètres). En perdant connaissance, le plongeur a très vite commencé à couler, de telle sorte que les personnes à la surface ne pouvaient plus l’atteindre. Le lest est souvent envisagé du point de vue de l’optimisation des performances, alors que ce qui devrait primer est la sécurité du plongeur. Un plongeur en apnée doit avoir une flottabilité légèrement positive lorsqu’il est près de la surface, afin de réduire le risque de noyade en cas de problème en eau peu profonde.

Problèmes de santé et condition physique
Les rapports disponibles font état de plusieurs cas impliquant un trouble cardiaque, trois cas impliquant une crise d’épilepsie et au moins un cas impliquant une mauvaise condition physique ayant conduit au décès de deux personnes. Les exigences de la plongée en apnée peuvent être très élevées, en particulier en eaux libres, lorsque le plongeur est confronté à une mer houleuse ou à courants. Une mauvaise condition physique ou des problèmes de santé peuvent rendre ce genre de situations plus difficiles à gérer qu’elles ne le sont en temps normal.

Synthèse
Bien que l’on puisse trouver dans la littérature des informations détaillées concernant un nombre limité d’accidents mortels spectaculaires, peu d’informations sont disponibles pour la plupart des accidents de plongée en apnée. En effet, les incidents non mortels sont rarement rapportés. De plus amples données sur les cas mortels et non mortels permettraient d’améliorer la prise de conscience des risques, favoriseraient la formation et encourageraient les évaluations procédurales. C’est pourquoi DAN réalise désormais le suivi des incidents de plongée en apnée au même titre que les incidents de plongée en scaphandre.

Quelques définitions

Hyperventilation : échange gazeux entre les poumons et l’atmosphère, se produisant à une vitesse supérieure à celle requise par le métabolisme de l’organisme. Ce phénomène peut être obtenu via une respiration ample et rapide, qui aura pour effet principal d’éliminer le dioxyde de carbone de l’organisme. Le dioxyde de carbone est le principal agent déclencheur du cycle respiratoire. En réduisant le taux de dioxyde de carbone dans l’organisme avant une plongée en apnée, l’envie de respirer est retardée.

Syncope hypoxique : perte de connaissance résultant d’une hypoxie. Remarque : une hyperventilation excessive peut conduire à une syncope hypoxique sans avertissement.

Rendez-vous syncopal des sept mètres : perte de connaissance résultant d’une chute rapide de la pression partielle d’oxygène dans le sang à mesure que la pression ambiante diminue lors de la remontée. L’hyperventilation peut accroître le risque de rendez-vous syncopal des sept mètres en augmentant la durée de l’apnée. Remarque : le rendez-vous syncopal des sept mètres se produit généralement lorsque le plongeur atteint la surface ou juste avant, en fin de remontée. Un plongeur ayant une flottabilité négative risque de se noyer sans signe avertisseur en arrivant à la surface.

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