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Safety

Et si on parlait… Planification des gaz ?

La version française de cet article est basée sur une version abrégée de l’article original en anglais. Vous pouvez retrouver l’article complet en anglais ici.


La planification des gaz est un aspect de la plongée qui laisse de nombreux plongeurs perplexes. Traditionnellement, on considère que la réserve de gaz adéquate est de 50 bars, une limite suffisamment courante pour avoir inspiré le nom de nombreux bars sur le thème de la plongée dans le monde entier. Pourtant, dans les faits, une réserve de 50 bars n'est suffisante que pour un nombre limité de plongées potentielles – des plongées relativement peu profondes et n'impliquant pas de couvrir de grandes distances.

Dans cet article, nous allons essayer de démêler quelque peu les choses. Nous allons présenter un principe de base qui peut être appliqué à une multitude de scénarios de plongée. Il est basé sur un concept appelé VRM (volume respiratoire par minute). Si vous n'êtes pas familier avec ce concept ou si vous avez besoin d'un rappel, consultez cette page.

Avertissement : Cet article ne prétend pas être la recette ultime de la planification des gaz. Les exemples ci-dessous sont fournis uniquement pour illustrer des concepts et ne s'appliquent pas nécessairement directement aux plongées que vous allez effectuer. Lorsque vous plongez sur un nouveau site, ne manquez pas de consulter les personnes qui le connaissent bien et, en cas de doute, préférez toujours une approche conservatrice.

Assez de préambules, c'est parti.

L’idée générale

Lorsqu'un plongeur est confronté à une urgence liée à un manque de gaz ou à une panne sèche en profondeur, le protocole consiste à se tourner vers son binôme, à partager le gaz et à mettre fin à la plongée. Pour que cette solution soit viable, le binôme doit avoir assez de gaz pour deux. Comme les défaillances d'équipement peuvent arriver à tout le monde et à tout moment, le principe de base de la planification des gaz est le suivant :

À tout moment au cours d'une plongée, chaque plongeur doit avoir assez de gaz pour assurer une stratégie de secours pour lui-même et pour un binôme en cas d'urgence de panne d'air.

Cela vous semble raisonnable ? Si nous sommes d'accord, la question suivante est alors : comment déterminer la quantité ? À titre d'illustration, nous allons examiner deux exemples. Chaque fois, la méthode de base consiste à

  • Penser au déroulé de la plongée sous forme d’un récit
  • Identifier le pire cas de figure (la pire situation d’une plongée est la panne d’air)
  • Préparer une stratégie de secours pour ce scénario
  • Diviser cette stratégie de secours en étapes et répartir une quantité de gaz nécessaire pour chaque étape
  • Faire la somme de ces quantités pour arriver au total

Ce total est désigné comme réserve, quantité de gaz minimale, ou pression de retour, cela dépend de votre interlocuteur. Tous ces termes ont la même signification : la pression de la bouteille à laquelle vous devez commencer votre ascension, au plus tard.

Exemple n°1

Disons que nous effectuons une plongée à 30 mètres depuis un bateau, avec un profil carré, avec une descente et une remontée dans le bleu ou le long d'une ligne, sans obligation de palier de décompression. Le pire scénario est une urgence de panne d'air à 30 mètres. La stratégie de secours possible pourrait être très simple : établir le partage des gaz, remonter à 5 mètres au rythme prévu, faire un palier de sécurité, puis terminer la plongée.

Partant du principe que le VRM est de 15l/min, la quantité de gaz nécessaire serait de :

Ce qui nous fait un total de 552 L, ou environ 50 bars dans une bouteille standard AL80 (11,3 L). C'est une estimation de la quantité que nous allons effectivement respirer, à titre de minimum absolu.

Donc, on termine sa plongée à 50 bars, le chiffre magique qui se transmet de génération en génération ? Pas si vite. Il y a d’autres considérations à prendre en compte :

  • Il est hors de question de faire surface à 0 bar.
  • Si notre VRM normal est de 15 l/min, il y a des chances qu’il augmente significativement sous le coup du stress. Pour information, le VRM maximum pour un humain est entre 120 et 150 l/min, selon la personne.
  • Pouvons-nous réellement compter sur une vitesse de remontée à 9 m/min ? En planifiant à 9 m/min mais en effectuant une remontée à une vitesse réelle de 6 m/min, la seconde étape nous coûtera 50% de gaz que prévu.

En fonction de comment nous répondons à ces questions, ajouter une marge de sécurité comprise entre 50 et 100 % ne semble pas trop prudent, n'est-ce pas ? Nous pourrions donc décider que notre réserve est de 80 bars. Ou 100. Dès qu'un plongeur de la palanquée atteint cette pression, il faut mettre fin à la plongée. Si nous restons plus longtemps, alors notre stratégie de secours ne sera plus assurée.

Exemple n°2

Il s'agit d'une plongée du bord. Notre point d'immersion et de remontée se trouve près de la plage, à une profondeur de 5 mètres. Notre objectif est une petite épave qui se trouve à environ 10 minutes de nage le long d'un récif en pente, depuis de notre point d'immersion. L'épave se trouve à une profondeur de 25 mètres, et la profondeur moyenne lors de la nage d’approche est de 15 mètres. Nous nous attendons à un léger courant longitudinal, latéral au sens de la nage. Comment faut-il planifier pour une situation de ce genre ?

Une fois de plus, nous devons penser au déroulé de la plongée et examiner nos stratégies de secours potentielles. Le pire scénario est une situation de panne d'air au point le plus éloigné de la plongée, soit à 25 mètres de profondeur et à 10 minutes de nage de notre point de remontée prévu. Réfléchissons maintenant à notre stratégie de secours : Pouvons-nous nous permettre de faire surface directement depuis l'épave ? Dans ce cas, le calcul de notre réserve serait similaire à l'exemple ci-dessus. Peut-être que nous pouvons, si tout le reste échoue, mais si possible je préfère éviter. Les courants sont généralement plus forts en haut que près du fond ; de plus, nager en surface jusqu'à notre point de sortie pourrait être difficile.

Une meilleure stratégie de secours serait de revenir à la nage sous l'eau en partageant le gaz. Faisons le calcul :

Cela correspondrait à un peu plus de 90 bars dans une bouteille de type AL80, en tant que quantité minimum absolue que nous allons assurément respirer. Notre réserve réelle doit être plus importante que cela. Et là encore, il y a un certain nombre de considérations à prendre en compte.

Tout d'abord, il faut couvrir l'éventualité d'une remontée d'urgence. Nous devons faire les deux calculs et utiliser le résultat le plus élevé. Deuxièmement, à moins que nous ne soyons régulièrement en situation de panne d'air, nous ne serons probablement pas aussi efficaces pour nager tout en partageant le gaz que nous le serions normalement. Cela est particulièrement vrai si nous utilisons une configuration de détendeur loisir avec un flexible d'octopus relativement court – ils sont bien pour les remontées directes mais pas très pratiques pour nager de façon prolongée.

Vous devinez probablement où cela va nous mener : Si nous ajoutons une marge de sécurité de 50 % à nos 90 bars, notre réserve est alors de 140 bars. Si nous appliquons une marge de sécurité de 100 %, notre réserve passe à 180 bars, et la conclusion est que nous ne pouvons pas compter sur cette stratégie de secours lorsque nous plongeons avec une seule bouteille. Dans une situation de panne d'air au point le plus éloigné de la plongée, nous pourrions être coincés en devant remonter directement de là où nous sommes avec le risque de dériver à la merci du courant.

Pour conclure

En passant en revue ces méthodes de planification des gaz, on devrait comprendre à quel point il est important de planifier et de briefer chaque plongée en équipe. Il est important que tout le monde suive et réfléchisse au déroulé de la plongée du début à la fin et comprenne ce qui constitue le pire scénario et la stratégie de secours à appliquer.

Prenez garde au fait que votre plan ne sera qu'aussi bon que votre niveau de plongée. Si vous n'avez jamais pratiqué de remontée avec partage de gaz à partir d'une profondeur de plus de 10 mètres, vous devriez peut-être prendre cela en compte lorsque vous décidez de votre marge de sécurité pour des plongées à 30 mètres.

Le débriefing est un autre point. Après chaque plongée, il est important de vérifier que vous avez terminé avec la quantité de gaz prévue. Si ce n'est pas le cas, il faut expliquer pourquoi. Si rien de fâcheux ne s'est produit au cours de la plongée mais que vous terminez avec trop peu de gaz, il vous faut planifier votre plongée de manière plus conservatrice. Si vous terminez régulièrement avec plus de gaz que prévu, vous pourrez peut-être ajouter un peu plus de temps au fond la prochaine fois. Sans débriefing, vous ne saurez pas dans quel cas de figure vous êtes.

Enfin, surtout en regardant le deuxième exemple, vous allez peut-être vous rendre compte qu'une seule bouteille ne constitue pas beaucoup de gaz lorsque vous êtes sur la fin d'une plongée et que tout part en sucette. Pour améliorer votre marge de sécurité, vous pourriez envisager d'apprendre à utiliser un bloc bi bouteille ou de porter une bouteille AL40 comme réserve de gaz supplémentaire. Inutile de tout respirer. C’est comme pour un parachute de secours, vous voulez juste savoir qu'il est là.


À propos de l’auteur

Tim Blömeke enseigne la plongée récréative et technique à Taïwan et aux Philippines. C’est un plongeur passionné par les grottes, les épaves et la plongée au recycleur. Il est aussi contributeur et traducteur pour Alert Diver. Il vit à Taïpei à Taïwan. Vous pouvez le suivre sur Instagram à @timblmk.

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