Photo: DAN Europe staff
Plongeur préparé

La Maîtrise de l’Assiette

"La règle de base que j'enseigne toujours à mes élèves est que là où la tête va, le corps suivra. Cela déclenche généralement des rires et sourires narquois, mais la vérité est que si notre assiette sous l'eau n'est pas correcte, nous lutterons pendant toute la plongée. L'assiette est l'angle avec lequel le plongeur évolue sous l'eau en terme d'alignement avec la direction de mouvement. Pendant la majeure partie de la plongée, il est préférable de conserver une assiette dite neutre, autrement dit, une position horizontale parallèle à la direction de déplacement. Contrôler son assiette permet de réduire l'effort de propulsion en réduisant la surface de résistance du plongeur dans l'eau. Par conséquent, nous consommons moins de gaz, nous utilisons efficacement notre énergie tout au long de l'immersion en nous fatigant moins. Le contrôle de l'assiette conforte la gestion de la flottabilité et le cycle respiratoire.

Pour maintenir une assiette horizontale, une répartition appropriée de l'équipement que nous transportons est nécessaire, incluant la gestion de l'air dans une combinaison, la position du ou des blocs, ainsi que de la distribution du lestage. L'ajustement de l'ensemble de ces éléments facilite la plongée aux dépends de difficultés et d'efforts inutiles.

Le travail de l'assiette est un élément essentiel participant au confort et au devenir d'un bon plongeur."

Cristina Zenato, Exploratrice et Instructice en plongée souterraine, Instructrice sur recycleur Sidewinder, membre émérite du 'Women Divers Hall Of Fame' et de l''Explorers Club'

Alors que la maîtrise de la respiration et de la flottabilité définit la capacité d'un plongeur à maintenir une profondeur donnée dans la colonne d'eau, l'assiette est relative à l'angle du corps dans cette même colonne, que ce soit en mode statique ou en propulsion. Avez-vous déjà observé un hippocampe? Sa position verticale est exactement l'opposée de celle que tout plongeur devait adopter. Théoriquement et par définition, l'assiette d'un plongeur peut être identifiée comme neutre (horizontale), positive (inclinée vers le haut) ou négative (inclinée vers le bas). Ceci étant, en pratique, et hormis toute contrainte imposée par l'environnement, conserver une assiette aussi neutre que possible tout au long de l'immersion sans piquer de la tête (ou des pieds) est une compétence essentielle à maîtriser.

Représentez-vous un plongeur tel un hélicoptère décollant, puis volant à différentes altitudes avant d'atterrir : le plongeur conserve une position horizontale à tout moment, genoux et chevilles pliés à quatre-vingt dix degrés afin de maintenir les palmes au dessus de la ligne corporelle et parallèles au fonds, telles les hélices d'un hélicoptère en rotation parallèlement au sol. Allongé et faisant face au sol tel une plate-forme virtuelle, les mains, les bras, la poitrine, les hanches et les cuisses dessinent un axe horizontal en dessous duquel aucun élément de l'équipement du plongeur ne devrait dépasser. Au-delà du souci de préservation de l'environnement, l'alignement du plongeur avec la direction de déplacement génère moins de résistance et améliore son hydrodynamisme dans l'eau en réduisant par conséquent l'effort et la consommation de gaz dans la perspective d'une plongée plus sure.

De nombreux facteurs peuvent affecter l'assiette du plongeur. Ceci étant, hormis la tension corporelle exercée au niveau des épaules, des muscles dorsaux et fessiers, le maintien d'une position horizontale ne devrait pas demander trop d'efforts pourvu que tous les éléments contribuant au lestage et à la répartition de l'air n'altèrent pas le centre de gravité.

Suivant le principe d'Archimède, physicien et mathématicien Grec, "Des poids égaux répartis à distances égales sont en équilibre alors que des poids égaux répartis à distances inégales ne sont pas en équilibre mais inclinent vers les poids situés à la plus grande distance". L'équilibre d'un plongeur dépend en grande partie de la répartition du lestage. Les composants du lestage incluent les bouteilles (et tous les éléments attenants tels que les robinets, les détendeurs, plaques en acier), les plombs et potentiellement les palmes. Ceci étant, il y a une limite au réglage de la hauteur des bouteilles relativement au corps du plongeur et ce, que l'on plonge en mono ou bi bouteille, que leur position soit dorsale ou latérale et indépendamment du type de bouteille utilisée. Dans un souci de sécurité, l'ajustement de la hauteur des bouteilles ne saurait empêcher un plongeur d'atteindre les robinets en cas de fuite.

Cependant, la répartition des plombs a un impact majeur sur l'assiette d'un plongeur et reste un élément ajustable à souhait. Une fois la quantité de lest nécessaire déterminée, la stratégie la plus intelligente et la plus sécuritaire n'est certainement pas de fixer métaphoriquement 'l'enclume' autour de la taille sur une ceinture trop lourde et mal ajustée. L'effet escompté est celui d'une bascule déséquilibrée forçant la position verticale de nombreux plongeurs peu qualifiés qui se plaignent généralement de problèmes de dos une fois en surface. Il serait préférable de répartir l'ensemble du lest de manière appropriée et ce, de manière sécurisée. La sécurisation du lest permet non seulement d'éviter son largage accidentel mais également son déplacement dissymétrique qui déséquilibrerait le plongeur latéralement.

Les palmes peuvent également avoir un impact majeur sur l'assiette d'un plongeur. Lors de leur sélection, leur poids dans les bagages ne devrait pas être la préoccupation principale. Au-delà d'exigences évidentes telles qu'une taille (ou pointure) appropriée et une rigidité adaptée à la puissance musculaire du plongeur, le poids des palmes à sec et leur flottabilité une fois immergées en eau salée peut varier énormément d'un modèle et d'une taille à l'autre. Choisir un poids et une taille de palmes adaptés à chacun rend l'utilisation hasardeuse de plombs de chevilles inutile et permet aux genoux de ne pas tomber sous l'axe horizontal de l'assiette du plongeur.

Une fois l'ensemble des facteurs contribuant au lestage réparti de manière optimale, le deuxième élément majeur à étudier pour affiner l'assiette d'un plongeur est la distribution de l'air. Au cours de l'immersion, l'action de gonfler ou de dégonfler une wing (ou un gilet stabilisateur), une combinaison étanche ou de s'assurer qu'une quantité de gaz optimale circule à travers les faux-poumons d'un recycleur, permettent de garantir flottabilité et confort. Ceci étant, là où l'air va, le plongeur suivra.

Pourvu que la taille et le design de ces éléments soit appropriés, l'objectif est de parvenir à trouver un équilibre entre le centre de gravité et le centre de flottabilité. Le design des wings et autres gilets stabilisateurs varie suivant les modèles qui offrent différentes caractéristiques quant à la répartition de l'air. Par exemple, l'air se répand de manière plus uniforme dans une wing en forme de 'donut' par rapport à un design dit en 'fer à cheval'. Pour parvenir à être en équilibre sou l'eau, le centre de flottabilité doit être situé directement au dessus du centre de gravité. Tout écart générera plus d'effort pour qu'un plongeur parvienne à maintenir une position hydrodynamique. Ceci augmentera également la consommation de gaz en mode statique tandis que la vitesse des phases de propulsion aidera partiellement à masquer une assiette positive ou négative.

Beaucoup de plongeurs se détournent des combinaisons étanches qu'ils trouvent souvent compliquées à gérer et qu'ils envisagent uniquement pour le confort thermique qu'elles procurent. Néanmoins, la quantité d'air requise pour maintenir ce confort thermique, et ce afin d'éviter tout phénomène dit de 'squeeze' ou de vasoconstriction, joue un rôle essentiel dans la capacité d'un plongeur à maintenir une assiette neutre et permet d'effectuer des ajustements mineurs. Cet objectif ne peut être atteint qu'en position horizontale en optimisant la répartition de l'air dans la combinaison.

Une fois la flottabilité ajustée, la vérification de l'assiette rend toute plongée plus agréable. Cette vérification ne prend que quelques minutes et suppose simplement de purger sa combinaison étanche, de gonfler sa wing (ou son gilet stabilisateur) pour être en flottabilité, de conserver une respiration normale, de rester immobile à une faible profondeur en regardant devant soit et en maintenant la tension musculaire nécessaire au positionnement du corps et d'observer alors si nous piquons naturellement du nez, des pieds ou latéralement. L'objectif de cet exercice n'est pas d'atteindre un niveau de performance mais de vérifier simplement l'alignement des centres de flottabilité et de gravité par la répartition optimale de l'ensemble des composants contribuant au lestage.

La maîtrise de l'assiette alliée à la maîtrise de la respiration et de la flottabilité représentent deux des compétences fondamentales privilégiant la sécurité et le développement futur d'un plongeur. Tout déséquilibre peut s'avérer dangereux et compromettre la sécurité d'un plongeur et de son équipe et impacter l'environnement. L'absence de contrôle de flottabilité, de la respiration et une mauvaise gestion de l'assiette (générant un profil de plongée en dents de scie) ont des répercussions sur l'ensemble de l'équipe, sur sa capacité à communiquer de manière efficace, sans oublier l'impact sur l'environnement, les problèmes de variation de profondeur et de gestion du gaz, et potentiellement l'absence d'optimisation d'un profil de décompression. Une fois l'entropie transformée en état d'équilibre, l'ordre et le confort qui en résultent permettent au plongeur de se concentrer sur ses partenaires et l'espace environnant plutôt que sur lui-même, d'effectuer des tâches, quelles qu'elles soient et de bâtir sereinement le prochain étage de son 'Château de Cartes'.


À propos de lauteur

Audrey est une exploratrice spéléologue et une instructrice de plongée technique, spécialisée en formation Sidemount et plongée souterraine en Europe et au Mexique.

Elle est également réputée dans le milieu de la plongée pour ses photographies sous-marines représentant des plongeurs techniques lors de plongées profondes et des plongeurs spéléologues. Son travail a été publié dans divers magazines tels que Wetnotes, Octopus, Plongeur International, Perfect Diver, Times of Malta, SDI/TDI et DAN (Divers Alert Network).


Traducteur: Audrey Cudel

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