La menace de la malaria
Lorsque vous traversez la moitié du globe pour rejoindre des sites maintes fois glorifiés, où chaque nouvelle plongée est plus belle que la précédente, il pourrait vous arriver de rêver au vaccin ultime pour les plongeurs. Vous avez mis de l’argent de côté chaque mois en vue de vos prochaines vacances, et espérez à juste titre qu’elles se dérouleront à la perfection.
Le seul hic est que les sites de plongée idylliques ne se trouvent généralement pas dans des endroits idéaux. L’abondante vie marine, les jardins de corail luxuriants et les climats tropicaux se situent généralement dans des endroits reculés. En fait, bon nombre de ces sites de plongée se trouvent dans une région qui s’étend entre les latitudes de 45° nord et de 40° sud, appelée la « zone de la malaria ». Il va sans dire que de tels sites sont éloignés de toute commodité moderne.
Contraction de la malaria
Les plongeurs
Prenons l’exemple d’un couple, tous deux membres DAN, qui a pris des vacances en Indonésie, dans la zone de la malaria. Avant de partir, ils ont consulté le site web des Centres de contrôle et de prévention des maladies (CDC), qui énumère les risques de malaria présents dans certaines zones géographiques. Ils ont également appelé des habitants de la région, qui leur ont affirmé qu’il n’y avait pas eu de « cas déclarés » de malaria en Indonésie depuis un certain temps. Les résidents contactés ont en outre indiqué que n’ayant euxmêmes jamais pris de médicaments antipaludiques et n’ayant pas été atteints de paludisme, ils pensaient que la région était relativement sûre et que le risque était « minime ». À partir des différentes conversations qu’ils ont eues, les plongeurs ont tiré deux conclusions : 1) le risque de malaria est minime dans la région, et 2) les antipaludiques ont provoqué chez quelques personnes des effets secondaires de nébulosité mentale et d’hallucinations «dangereux en plongée, et sont donc à éviter. Avant de partir, le couple de plongeurs a néanmoins effectué tous les autres vaccins recommandés pour l’Indonésie. Une fois sur place, le couple a séjourné dans une maison pourvue d’air conditionné et de fenêtres vitrées (et non uniquement recouvertes de moustiquaires).
Pendant leur séjour, ils ont utilisé un insectifuge à base de DEET (N,N-diethylmeta- toluamide). Ces deux mesures sont généralement efficaces dans la protection contre les piqûres de moustiques et d’autres insectes. Le matin, le mari avait l’habitude d’effectuer une petite promenade de bonne heure et le soir, le couple sortait dîner en manches courtes et en short. Les plongeurs ont passé une merveilleuse semaine, chaque journée de plongée étant plus exaltante que la précédente. Ils ont consigné 25 plongées en 10 jours et ont indiqué n’avoir jamais utilisé de profils de plongée trop sévères. Ils ont confirmé avoir systématiquement utilisé de l’insecticide ne pas se souvenir d’avoir été piqués par des moustiques. À la fin de la semaine, ils ont fait leurs valises et pris le chemin du retour la tête remplie d’images de rêve.
Le problème et le traitement
Le couple n’a constaté aucun problème pendant le vol de retour, mais au cours de la première semaine qui a suivi, le mari a commencé à ressentir des symptômes similaires à ceux de la grippe, principalement des douleurs corporelles généralisées. Se sentant léthargique au travail, il a décidé de prendre quelques jours de congé pour récupérer. Il a ensuite commencé à souffrir de chutes de tension sporadiques et de hausses soudaines de sa température corporelle, puis à développer une vision brouillée. Préoccupé par ces symptômes qui ne pouvaient plus dénoter uniquement une grippe, il a soupçonné la malaria et s’est rendu à la clinique locale.
Après s’être fait examiner, il a été transporté d’urgence à l’hôpital local et transféré aux soins intensifs. Après plusieurs interventions sanguines, dont des transfusions et des procédures intraveineuses et diagnostiques qui ont duré au total 22 jours, le plongeur s’est réveillé sans le moindre souvenir des trois dernières semaines, ni du fait qu’il avait échappé de peu à la mort. Il est resté à l’hôpital 32 jours au total, avant d’être orienté vers un centre de convalescence pour deux semaines et demie. Son séjour au centre lui a permis de reprendre des forces et de recommencer à marcher et à s’alimenter seul. Il lui a toutefois fallu attendre quatre autres mois avant de retrouver un niveau d’énergie normal et de pouvoir reprendre le travail.
La discussion
Ces membres DAN avaient agi correctement sur presque tous les points, mais ils aimeraient partager avec la communauté de plongeurs ce qu’ils ont appris « à la dure ». D’une part, il est généralement plus approprié de prendre des antipaludiques et de faire face aux effets secondaires potentiels plutôt que de contracter la maladie elle-même. Ils ont affirmé que si c’était à refaire, ils prendraient des antipaludiques même si aucun avertissement spécifique n’avait été publié pour les régions visitées et même s’ils pensaient que le risque était minime.
Voici quelques conseils à l’attention des voyageurs se rendant dans une région associée à un risque connu de malaria:
- Immunisez-vous. Prenez les médicaments recommandés pour la région. Consultez le site web des Centres de prévention et de contrôle des maladies (www.cdc.gov/ travel) et de l’OMS (www.who.int/ith) afin d’obtenir les dernières informations à jour sur les vaccins et les données de santé spécifiques aux pays visités. Soumettez ces informations à votre médecin, qui pourra vous fournir les prescriptions nécessaires.
- Utilisez du DEET. Pulvérisez votre peau, vos vêtements et votre moustiquaire d’une lotion anti-moustiques contenant une bonne concentration de DEET1.
- Couvrez-vous. Lorsque vous vous trouvez à l’extérieur entre le crépuscule et l’aube, veillez à bien vous couvrir (portez des vêtements à manches longues et des pantalons longs). Dans la mesure du possible, évitez de vous trouver dehors entre le crépuscule et l’aube.
- Munissez-vous d’une moustiquaire. Si nécessaire, utilisez des moustiquaires dans vos logements. Cela s’applique surtout en cas de fenêtres non vitrées ou d’ouvertures par lesquelles les moustiques pourraient s’infiltrer.
La malaria a provoqué un plus grand nombre de morts dans le monde que toute autre maladie infectieuse. Il s’agit en effet de la maladie infectieuse représentant le risque le plus élevé pour les plongeurs se rendant dans les tropiques.
Si vous avez des doutes ou des craintes, il est préférable que vous preniez des antipaludiques.
Les médicaments les plus appropriés
Le choix d’un médicament préventif approprié peut requérir la consultation d’un médecin, qui prendra en général une décision sur la base de quatre critères:
- Le risque de malaria, en fonction de votre destination et de l’endroit précis où vous vous rendez, du moment de l’année où vous voyagez et de la durée de votre séjour.
- Votre profil de voyageur, et plus spécifiquement votre âge, votre état de santé (antécédents médicaux et chirurgicaux) et votre état de grossesse si vous êtes une femme. Le médecin pourra également prendre en compte l’objectif du voyage, car le risque sera plus élevé s’il s’agit d’un voyage d’aventure, d’une mission humanitaire ou d’un bénévolat (par ex., pour les Corps de la Paix) que s’il s’agit d’un voyage d’affaires.
- L’efficacité du médicament, en fonction des régions où il existe une résistance connue.
- Votre tolérance personnelle du médicament.
L’Aralen (phosphate de chloroquine), plus communément appelé « chloroquine », est considéré comme un traitement préventif efficace contre la malaria dans certaines régions. Pour le voyageur aventurier qui reste en dehors des zones où sévit la malaria à plasmodium falciparum (considérée comme la forme la plus sévère), la chloroquine constitue souvent le meilleur choix. Malheureusement, étant donné la propagation du parasite P. falciparum, l’efficacité de ce médicament a diminué avec le temps. La posologie consiste en une prise hebdomadaire, qui doit être commencée au moins une semaine avant le voyage et poursuivie jusqu’à quatre semaines après le retour. Les effets indésirables les plus courants sont des troubles gastro-intestinaux et des céphalées, et certains patients se sont plaints d’une vision trouble, d’acouphènes et de vertiges.
Le Lariam (chlorhydrate de méfloquine), ou « méfloquine », est le choix le plus répandu pour les voyageurs se rendant dans des régions où la malaria à plasmodium falciparum est présente. La réputation controversée qu’a acquise ce médicament en raison de ses effets indésirables a fait naître des craintes parmi les voyageurs aventureux qui prévoient de participer à des activités plus risquées requérant une coordination et des capacités motrices pointues. Les plongeurs doivent être conscients du risque en termes de sécurité de la plongée s’ils présentent une intolérance au médicament. Il semblerait que certains opérateurs de plongée interdisent aux personnes sous méfloquine de plonger en raison de la difficulté, selon eux, de distinguer les effets secondaires du médicament des symptômes de la maladie de décompression. Ces déclarations n’ont toutefois pas été confirmées. Les effets secondaires les plus courants sont des troubles du sommeil et de l’humeur, des nausées, la diarrhée et des céphalées. Ils apparaissent généralement dans les trois semaines suivant la première prise.
Lors de la première utilisation de la méfloquine, il faut commencer le traitement au moins trois semaines avant le voyage afin de permettre aux effets de se stabiliser ou d’avoir le temps de changer de médicament en cas d’intolérance. En général, les effets secondaires qui surviennent au cours des trois premières semaines sont peu susceptibles de s’empirer par la suite. Comme pour la chloroquine, la méfloquine ne requiert qu’une prise hebdomadaire à partir de deux semaines minimum avant le voyage et jusqu’à quatre semaines après le retour. Des précautions spéciales devront être prises par les femmes enceintes : le médicament est généralement considéré sans risque les deuxième et troisième trimestres de grossesse, mais de nombreux établissements de soins recommandent de l’éviter pendant le premier trimestre.
La Malarone (atovaquone/proguanil) a été approuvée aux États-Unis en 2002. Depuis lors, elle est devenue le choix le plus répandu parmi les voyageurs se rendant dans des régions où il existe une résistance à la chloroquine. Les effets indésirables les plus couramment observés sont des troubles gastro-intestinaux, des céphalées et des vertiges. Bien qu’une nouvelle résistance semble avoir été découverte chez le parasite P. falciparum, la Malarone continue de jouir d’une bonne réputation en tant que prophylaxie de la malaria.
Le Plaquenil (hydroxychloroquine) est utilisé depuis de nombreuses années pour la prévention et le traitement de la malaria. Les effets secondaires les plus courants sont de légères nausées, d’occasionnelles crampes à l’estomac et la diarrhée.
La Vibramycine (doxycycline) est l’un des médicaments qui a fourni les meilleurs résultats lors d’essais cliniques. Il a en effet démontré une efficacité élevée contre la malaria à plasmodium falciparum. Agissant à la fois comme un antipaludique et un antibiotique, ce médicament permet également de réduire l’incidence d’autres maladies, telles que la diarrhée du voyageur. Toutefois, sa posologie et ses effets secondaires réduisent sa popularité auprès des plongeurs.
Les effets secondaires les plus courants sont des troubles gastro-intestinaux, la photosensibilité (sensibilité aux rayons du soleil) et une sensibilité accrue aux infections aux levures chez les femmes. La doxycycline se prend une fois par jour, depuis au moins un jour avant d’arriver dans une zone de malaria, et jusqu’à quatre semaines après avoir quitté la région. La prise de ce médicament n’est pas recommandée chez les femmes enceintes ou les enfants de moins de huit ans.
MÉ DIC AMENTS ANTIPALUDIQU ES | |||||
Médicament | Posologie | Durée de la prise avant et après le voyage | Contre-indications | Effets indésirables courants |
Résistance |
Aralen Phosphate de chloroquine |
Une prise par semaine | À partir de 2 semaines avant Jusqu’à 4 semaines après | Troubles du champ visuel ou rétiniens |
Céphalées, prurit | Une résistance étendue semble exister |
Lariam Chlorhydrate de méfloquine | Une prise par semaine | À partir de 1 semaine avant Jusqu’à 4 semaines après |
Utilisation prophylactique interdite chez les patients atteints d’une maladie psychiatrique ou ayant des antécédents de dépression ou de crises d’épilepsie |
Nausées / vomissements, rêves d’apparence réelle, troubles de l’humeur, insomnie, céphalées et diarrhée |
La résistance semble rare, et est principalement connue en Asie du Sud-Est |
Malarone Atovaquoneproguanil |
Prise quotidienne |
À partir de 1 à 2 jours avant Jusqu’à 7 jours après | Utilisation prophylactique interdite en cas de troubles rénaux sévères |
Troubles gastrointestinaux, douleurs, céphalées |
|
Plaquenil Hydroxychloroquine |
Une prise par semaine | À partir de 2 semaines avant Jusqu’à 8 semaines après | Utilisation prolongée interdite chez les enfants. Troubles du champ visuel ou rétiniens | Céphalées, vertiges, troubles gastrointestinaux | |
Vibramycine | Prise quotidienne |
À partir de 1 à 2 jours avant Jusqu’à 4 semaines après | Coups de soleil, troubles gastro-intestinaux, infections aux levures |
Mécanisme de la malaria
Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), la malaria fait entre 700 000 et 2,7 millions de morts par an. L’organisation rapporte en outre 300 à 500 millions de nouveaux cas de paludisme chaque année. Aux États-Unis, sur les 1 000 à 1 500 cas de paludisme diagnostiqués chaque année, la plupart sont des personnes récemment revenues d’un séjour dans la zone de la malaria, qui se situe entre les latitudes 45° nord et 40° sud et s’étend tout autour de la planète. La malaria est une cause majeure de maladie et de mort dans le monde entier. Elle n’est toutefois pas transmise par un simple contact entre êtres humains. La malaria est causée par le parasite du genre Plasmodium et est transmise par une piqûre de moustique anophèle femelle, qui attaque entre le crépuscule et l’aube. Au moment de la piqûre, le moustique infecté injecte de la salive et des sporozoaires (stade infectieux du parasite) chez la victime. Ces sporozoaires envahissent ensuite le foie lors du premier stade de l’infection, appelé stade exoérythrocytaire, qui précède l’invasion de la circulation sanguine (exo- = en dehors de ; érythrocytaire = appartenant aux érythrocytes, ou globules rouges).
Dans le foie, les sporozoaires traversent une période d’incubation pouvant durer entre une semaine et plusieurs mois. Ils se développent ensuite en mérozoïtes (le stade infectieux motile, ou mobile, du parasite), qui se détachent des cellules du foie pour envahir les globules rouges. Cette phase de la maladie s’appelle la phase érythrocytaire. Dans les globules rouges, les mérozoïtes entreprennent un cycle de schizogonie (reproduction asexuelle par segmentation multiple). En se diffusant, les mérozoïtes font éclater les globules rouges infectés et envahissent de nouvelles cellules sanguines. Cet éclatement correspond à l’épisode fébrile qui caractérise le paroxysme de l’accès. Etant donné que la malaria affecte les globules rouges sanguines, elle peut être transmise par l’utilisation d’aiguilles infectées, transfusion sanguine, ou encore de la mère au foetus pendant une grossesse. (Voir http://www.cdc.gov/malaria/pregnancy.htm)Lorsqu’un moustique pique une personne infectée, il ingère le parasite microscopique se trouvant dans le sang de la personne. Le parasite se développe chez le moustique pendant environ une semaine, puis est transmis par la salive du moustique à la prochaine personne piquée.
Types de malaria
Il existe quatre espèces de parasites de la malaria qui infectent les êtres humains : Plasmodium vivax, P. ovale, P. malariae et le plus mortel, Plasmodium falciparum. P. falciparum a des cycles de 48 heures et affecte le cerveau, les reins et le tube digestif. En raison de la tendance des globules rouges infectés à se regrouper, P. falciparum peut également affecter les vaisseaux sanguins en les bouchant, empêchant par conséquent la circulation sanguine vers les organes vitaux. Si la maladie n’est pas soignée correctement durant la phase hépatique, P. vivax et P. ovale peuvent provoquer une rechute à partir d’un stade hépatique latent. P. malariae peut quant à lui demeurer à l’état latent pendant plusieurs années dans les cellules sanguines. C’est pourquoi vous devez éviter de faire un don de sang si vous avez été exposé à la malaria.
Où trouver des informations ?
Consultez le site web des Centres de prévention et de contrôle des maladies (www.cdc.gov/travel) et de l’OMS (www.who.int/ith) pour obtenir les dernières informations à jour sur les vaccins et les données de santé spécifiques aux pays visités. Les membres DAN peuvent également appeler la ligne d’information DAN afin d’obtenir des informations sur les avertissements spécifiques relatifs à la santé.