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Plongeur préparé

Le Contrôle de la Respiration et de la Flottabilité : Arrêtez-vous, Respirez, Pensez, et dés lors, Agissez

Pour une introduction à cette série en cinq parties, cliquez sur : Le Château de Cartes


'Enfant, j'étais fasciné par la capacité des créatures marines à maintenir leur position sous l'eau et parmi elles, celui qui attisait ma curiosité plus que toutes autres et qui a inspiré mon orientation, était le Nautile. 

Suspendu immobile quelle que soit la profondeur tel un sous-marin actionnant dans sa  coque de multiples ballasts pour maintenir un équilibre parfait, le Nautile est indéniablement un maître dans l'art de la flottabilité. 

De toutes les facultés, la maîtrise de la flottabilité est primordiale pour tout plongeur, qu'il soit débutant ou explorateur. C'est la base sur laquelle repose toutes les autres compétences. Si la flottabilité est maîtrisée, un problème ne devient pas une urgence mais un problème à résoudre posément et calmement.

Le secret de la maîtrise de la flottabilité est le contrôle de la respiration, une faculté aux multiples avantages dans l'éventail de compétences d'un plongeur sûr. L'aptitude à calmer sa respiration permet de dissiper le stress et prodigue une sensation de bien-être et de contrôle. Lorsque la respiration s'apaise, le rythme cardiaque ralentit également et toute situation peut alors être analysée, traitée et résolue. 

En toute circonstance, 'Arrêtez-vous, Respirez, Pensez, et dés lors, Agissez'.

Le maîtrise de la respiration est utilisée dans la arts martiaux comme contrôle des flux d'énergie ainsi que dans la préparation prénatale et au cours de l'accouchement. Et plus simplement, prendre quelques respirations lentes et profondes peut aider à surmonter un stress physique ou psychologique face aux situations du quotidien.

Quel est le rapport avec le contrôle de la flottabilité, me direz-vous? Bien sûr, l'inspiration et l'expiration déplacent un volume de gaz important. Par conséquent, l'impact de la respiration sur la flottabilité peut être néfaste si elle est irrégulière. Dans le cas contraire, elle permet d'ajuster le contrôle de la flottabilité à la perfection tel le Nautile.' – Phil Short, Responsable de la Sécurité et Consultant dans l'Industrie de la Plongée, Directeur de Formation IANTD UK.


Pour ceux, parmi vous, qui ont suivi les aventures de Jacques Cousteau dans le documentaire "Le Monde du Silence" datant de 1956, les premières générations d'explorateurs sous-marins s'aventuraient dans les profondeurs avec pour simple appareil un scaphandre tri-acier harnaché dans le dos, des détendeurs CG45 de la taille d'une horloge, un masque Squale au verre incassable couvrant les yeux et le nez, une ceinture de lestage et une paire de palmes chaussantes en caoutchouc. La flottabilité de l'ensemble de l'équipement pesant environ vingt-cinq kilos reposait sur la technique la plus puissante et la plus sensible qui soit : le poumon-ballast. Aussi, certains d'entre vous se souviennent peut-être qu'à la fin du siècle dernier, les premiers enseignements prodigués en plongée reposaient essentiellement sur l'utilisation du contrôle respiratoire avant d'ajouter ultérieurement un gilet stabilisateur à la configuration.

De nos jours, l'importance de la respiration en plongée est souvent présentée aux débutants comme une mise en garde pour éviter une suppression pulmonaire au cours d'une remontée incontrôlée, la règle d'or étant "Ne retenez jamais votre respiration!". Au-delà des préoccupations de remontée rapide, retenir sa respiration ou ne pas respirer régulièrement peut également provoquer une accumulation de CO2 ou générer d'autres problèmes d'hypercapnie. Ceci étant, respirer exagérément peut aussi induire des problèmes d'hyperventilation. Par conséquent, une ventilation régulière est importante d'un point de vue physiologique, pour garantir un échange gazeux optimal dans l'ensemble des tissus en utilisant le volume courant des poumons durant l'immersion. Plus le volume courant est important et/ou irrégulier au cours de la ventilation, moins il y a d'espace et de chances de pouvoir ajuster la flottabilité en utilisant les volumes de réserve inspiratoires et expiratoires.

La prise de conscience de l'impact de ces ajustements est pleinement appréhendé en mode statique plutôt qu'en cours de propulsion. La propulsion peut dissimuler un manque de contrôle de la flottabilité tel un avion en papier qu'on propulse dans les airs;  il volera jusqu'à ce que sa perte de vitesse l'amène à s'écraser. Aussi, afin qu'une descente ou une remontée soient contrôlées et par souci d'économie de gaz, il est préférable qu'elles soient initiées en utilisant les volumes de réserves pulmonaires inspiratoires et expiratoires plutôt que de jouer constamment avec l'inflateur d'une bouée ou d'une combinaison étanche.

Pour affiner sa flottabilité, la clef est de respirer consciemment, normalement et calmement en procédant à des ajustements minimes quand besoin est. Toutefois, le volume respiratoire a ses propres limites et peut être affecté par des facteurs externes tels que la distribution du lestage et de l'air dans l'équipement de plongée.

La distribution de la flottabilité varie en fonction de la stratégie de gestion du volume de gaz au cours de l'immersion, autrement dit l'ajout ou le retrait de gaz de différentes parties d'équipement tels qu'un gilet stabilisateur, une bouée, des faux poumons et/ou une combinaison étanche. Il n'y a pas de taille unique en la matière et, au-delà de la quantité de gaz, la capacité à distribuer efficacement son volume suppose que la taille de l'équipement soit adaptée à la morphologie de chacun.

Il en va de même que pour les poumons : minimiser le volume de gaz nécessaire en étant correctement lesté facilite la gestion de la flottabilité par l'optimisation de la quantité de gaz qui entre et sort. Les plongeurs débutants croient souvent, à tort, qu'être sur-lesté permet d'éviter une remontée rapide en surface. Au contraire, c'est précisément l'excès de gaz requis pour compenser l'excès de lestage qui pose souvent problème, finit par perturber le cycle respiratoire normal d'un plongeur et provoquer, à terme, une remontée rapide compte tenu du temps requis pour purger le gaz additionnel.

Parties intégrantes du lestage et de la configuration d'un plongeur, une plaque en acier, des détendeurs, ou encore les robinets des bouteilles ne peuvent être soustraits à l'ensemble de l'équipement. Ceci étant, il est d'autres variables à envisager. Combien parmi nous ont méticuleusement rempli leurs premiers carnets de plongées en cochant des cases et en écrivant scrupuleusement la quantité de plombs avec lesquels ils plongeaient alors, omettant toutefois d'autres éléments essentiels. La liste est longue, mais chaque élément importe. Prévoyez-vous de plonger avec des bouteilles basse ou haute pression? Quel est le poids des bouteilles? Quelle est la variation de flottabilité entre une bouteille en aluminium pleine et vide? Allez-vous plonger en eau douce, en eau salée ou en Mer Rouge? En terme de lestage, quel est l'impact du retrait de couches de sous-vêtements d'étanche après avoir intégré une nouvelle veste chauffante? La liste de variantes possibles est sans fin; aussi chaque plongeur qui s'aventure dans un nouvel environnement ou modifie sa configuration doit être capable de s'auto-évaluer. Tout changement requiert un test de lestage, qui ne prend que quelques minutes en début et, éventuellement en fin de plongée. Rappelons que la flottabilité repose principalement sur la capacité pulmonaire et son évaluation suppose donc de purger l'air de l'ensemble de l'équipement.

En remplissant vos poumons à environ 80%, vous devriez avoir la tête hors de l'eau; expirez à 50% et vous devriez pouvoir vous maintenir en surface avant de descendre en expirant à 20% du volume initial. Toutefois, il est important de répéter cet exercice avant de sortir de l'eau (qui plus est avec des bouteilles en aluminium ou en acier basses pression) afin de s'assurer de pouvoir maintenir confortablement un palier de sécurité ou de décompression si les bouteilles atteignaient la réserve. Il n'est pas nécessaire d'aller très profond pour s'exercer au contrôle de flottabilité neutre ni aux techniques de descente et de remontée. Pratiquer dans des eaux peu profondes est potentiellement plus sûr mais également plus difficile puisque les plus grandes variations de pression s'observent dans les premiers mètres.

La sécurité est le premier avantage ou bénéfice de la maîtrise de la flottabilité:

  • Ne pas dépasser la profondeur planifiée permet de rester dans les limites de (non) décompression envisagées.
  • Etre capable de rester en flottabilité neutre, que ce soit en mode statique ou dynamique, permet à l'équipe de rester groupée, de communiquer et de gérer les cas d'urgence.
  • L'attention à l'environnement est un facteur clé des choix de gestion de respiration et de flottabilité lorsqu'on plonge, par exemple, à proximité d'un récif, lorsqu'on expire sous plafond (la percolation générée par les bulles heurtant le plafond peut affecter la visibilité), ou encore quand on anticipe l'impact d'un changement de salinité en pénétrant une zone d'halocline.

Tel un cercle vertueux, la maîtrise de la flottabilité facilite le contrôle. Le contrôle mène au confort, le confort au calme, le calme à la maîtrise, à la concentration et permet de réduire sa consommation afin de maximiser le temps d'immersion et de profiter au mieux de l'instant.

Comme l'a décrit l'un des pionniers de l'aventure sous-marine, Jacques Cousteau, "La nuit, j'avais souvent  rêvé de pouvoir voler en étendant mes bras comme des ailes. Désormais, je volais sans ailes. Délivré de la gravité et de la flottabilité, je volais dans l'espace." L'apesanteur est naturelle au Nautile et fait partie des lois naturelles dans l'espace; dans le monde sous-marin, c'est une faculté à développer avant qu'elle ne devienne une seconde nature. C'est un accomplissement. Pour que votre Château de Cartes tienne debout, il doit avant tout reposer sur des bases solides. Une fois la capacité à maintenir sa position dans la colonne d'eau maîtrisée, un plongeur peut alors évoluer confortablement et en toute sécurité dans un espace multidimensionnel, et se positionner en toute conscience, là où il le souhaite, partie intégrante d'une équipe et d'un environnement.


À propos de lauteur

Audrey est une exploratrice spéléologue et une instructrice de plongée technique, spécialisée en formation Sidemount et plongée souterraine en Europe et au Mexique.

Elle est également réputée dans le milieu de la plongée pour ses photographies sous-marines représentant des plongeurs techniques lors de plongées profondes et des plongeurs spéléologues. Son travail a été publié dans divers magazines tels que Wetnotes, Octopus, Plongeur International, Perfect Diver, Times of Malta, SDI/TDI et DAN (Divers Alert Network).


Traducteur: Audrey Cudel

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