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Ligne médicale

Retours d’expérience des Médecins DAN Europe au sujet de la reprise de la plongée après une infection au Covid-19

Il y a encore de nombreuses choses que nous ignorons sur le virus du Covid-19, et les informations sur ce virus et son impact sur les plongeurs continuent d'évoluer. C'est pourquoi, en plus de republier les recommandations médicales adoptées par consensus et compilées par les différentes associations de médecine de plongée et hyperbare, voir (lien hypertexte : « Ce qu’il faut savoir en cas de plongée après avoir contracté la Covid-19 », nous avons contacté un certain nombre de médecins de DAN Europe et leur avons demandé de nous faire part de leur expérience sur le terrain concernant les plongeurs qui souhaitent reprendre la plongée après avoir eu la Covid-19.

Nous avons suivi en particulier les médecins suivants : Oscar Camacho au Portugal, Peter Germonpré en Belgique, Ole Hyldegaard au Danemark, Jacek Kot en Pologne, Anne Räisänen-Sokolowski en Finlande, Ulich van Laak en Allemagne, et Jürg Wendling en Suisse. Ces médecins ont chacun traité deux à vingt plongeurs qui ont contracté la Covid-19. A noter que le Dr Germonpré n’a traité que des plongeurs militaires, alors que le Dr Camacho a traité des scaphandriers professionnels et des plongeurs loisir. Voici les conclusions qu’ils en tirent.

DAN Europe : Quelle a été, de façon générale, votre expérience avec ceux qui voulaient retourner plonger après avoir eu la Covid-19 ?

Oscar Camacho (OC) : Tous les scaphandriers professionnels étaient asymptomatiques lors de la phase aiguë de la maladie ou présentaient des symptômes sans gravité tels que la perte du goût et de l'odorat (dysgueusie/anosmie). En ce qui concerne les plongeurs loisir, deux d'entre eux étaient très malades. Tous deux ont été hospitalisés. L'un a été admis dans un service de soins normaux 

avec une ventilation non invasive. Un autre a passé six semaines en unité de soins intensifs. Tous les plongeurs (professionnels et sportifs) étaient très préoccupés par leur capacité pulmonaire et leur aptitude à reprendre la plongée. Les deux plongeurs loisir qui ont été hospitalisés ont passé des scanners pulmonaires avec des images suggestives de fibrose bilatérale et étaient facilement fatigués, je leur ai donc refusé la reprise de la plongée et je les réévaluerai 6 mois plus tard.

Peter Germonpré (PG) : Tous ont été soumis à des examens médicaux conformes aux exigences médicales militaires (c'est-à-dire un test d'effort avec SpO2, un test de la fonction respiratoire, un examen cardiologique et un scanner pulmonaire). Certains ont été « immobilisés » pendant trois mois supplémentaires avant d'être autorisés à reprendre la plongée.

Ole Hyldegaard (OH) : Aucun problème ou problème respiratoire majeur.

Jacek Kot (JK) : J'ai agi en tant que médecin-conseil pour une seule personne qui souhaitait reprendre la plongée.

Anne Räisänen-Sokolowski (ARS) : Tous ont eu une maladie relativement bénigne. L'un d'eux seulement était Ab positif, et ne savait pas quand il avait contracté le virus.

Adel Taher(AT) : La plupart d'entre eux semblaient cliniquement sains, avec une bonne entrée d'air de part et d'autre. Lors de leur examen des antécédents, ils ont révélé qu'ils avaient souffert de la Covid-19 ou s'ils le savaient, ils le déclaraient d'emblée. Dans le doute, je demande un scanner pulmonaire. Dans plusieurs cas où l'infection avait eu lieu au moins deux mois auparavant, des opacités en verre dépoli (GGO) apparaissaient, la plupart basales. Un examen de suivi après une période de quatre à six mois suivant l'infection initiale a montré une résorption des GGO.

Ulich van Laak (UvL) :  J’ai constaté une réticence à suivre les recommandations d’usage dans les trois cas ; ils étaient à la recherche de solutions rapides et de permissions de complaisance.

Jürg Wendling (JW) : La plupart des plongeurs loisir et certains plongeurs professionnels ont suivi nos recommandations. Tous nos patients présentant des symptômes légers à sévères lors d'une infection aiguë au Covid-19 n'ont présenté aucun signe de séquelles lors des examens menés selon l'organigramme suisse (nous avons effectué un test d'effort limité aux symptômes avec pulsoxymétrie / pléthysmographie corporelle et DLCO). Je tiens à souligner que mes commentaires ici sont une compilation de l'expérience des médecins de plongée les plus actifs de la Société Suisse de Médecine Subaquatique et Hyperbare (SUHMS) qui établissent un rapport mensuel de leurs expériences lors de réunions en ligne.

Y a-t-il des problèmes potentiels en particulier dont les plongeurs doivent avoir conscience ?

PG : Nous n'avons pas vu de cas « curieux » d'accidents de décompression (après des plongées « anodines »), mais cela est probablement dû aux restrictions que nous avons imposées très tôt (les directives de la Dutch Society of Diving and Hyperbaric Medicine (DSDHM) ont été publiées dès avril 2020).

OH : Il faut suivre les recommandations de tests de la fonction respiratoire (au minimum) avant de reprendre la plongée si l'infection au Covid-19 ont fait apparaître des signes de symptômes pulmonaires.

JK : Nous avons noté des modifications permanentes du tissu pulmonaire (diminution de la compliance pulmonaire) et une diminution de la capacité d'effort respiratoire.

ARS : Les poumons sont les plus sujets aux problèmes.

AT : Il faut surveiller la saturation en oxygène en effort ainsi que des changements apparents sur les résultats de la spirométrie. Un second avis de pneumologue peut être requis.

UvL :  Les préoccupations publiées telles que celles de la Société Belge de Médecine Hyperbare et Subaquatique (BSDHM) et d'autres ne sont pas largement acceptées ou comprises par la communauté de la plongée sportive. Ce qui n’est pas le cas dans le milieu de la plongée scientifique et militaire.

JW : Je n'ai rien relevé de surprenant. Les plongeurs sont informés des risques éventuels qui se manifestent surtout par une diminution des performances physiques. Nous relayons les alertes de la BSDHM.

A quoi les plongeurs doivent-ils faire attention ou se préoccuper avant de reprendre la plongée ?

OC :  A leur fonction respiratoire !

PG : Je pense que l'on peut affirmer sans risque de se tromper que les directives actuelles sont à même de dissuader les plongeurs de reprendre la plongée en cas de lésions pulmonaires ou cardiaques graves. Il est toutefois difficile de dire si ces directives sont trop strictes.

OH : Cela dépend de la sévérité de leur infection au Covid-19.

JK : Il faut surveiller sa capacité d'effort (force physique), la diminution de la spirométrie, et des changements lors des examens radiologiques (HRCT).

ARS : Il faut que la condition physique du plongeur retrouve son niveau pré-Covid.

AT : Il faut veiller à un retour progressif à leur niveau "normal" de forme physique, ce qui peut souvent prendre plus de temps que prévu.

UvL :  L'aptitude physique et psychologique telle qu'elle était avant l'infection au Covid, doit être confirmée par un examen médical des performances (par des spécialistes en médecine du sport, en cardiologie et en pneumologie).

JW : Regardez l’organigramme mis à jour par la Société Suisse de Médecine Subaquatique et Hyperbare (SUHMS).

Des conseils spécifiques pour les plongeurs qui font l'expérience d'une infection "longue" au Covid dans ses diverses manifestations ?

OC :  Les plongeurs doivent subir une évaluation de leur fonction respiratoire et un examen cardiaque s'ils ont des problèmes cardiaques ou des antécédents cardiaques.

PG : Comme il n'existe aucun traitement spécifique (à l'exception des programmes de rééducation physique et du temps), il est important que les plongeurs soient patients et qu'ils s'abstiennent de plonger jusqu'à ce qu'ils aient reçu l'autorisation de leur spécialiste en médecine de plongée. L'entraînement en piscine est possible, bien que les résultats d'un examen de la fonction respiratoire doivent être normaux pour pouvoir s'entraîner avec du gaz comprimé, même à de très faibles profondeurs, en raison du risque d'emprisonnement d'air.

OH : Ils peuvent reprendre la plongée après un examen de la fonction respiratoire et un test d'effort EGC dont les résultats normaux sont associés à l'avis médical d'un spécialiste de la plongée.

JK :  Comme nous ignorons les conséquences à long terme de la Covid, les plongeurs devraient effectuer des plongées plus conservatrices et faire moins d'efforts sous l'eau.

ARS : Il faut que la condition physique du plongeur retrouve son niveau pré-Covid. Un examen cardio-respiratoire complet doit être effectué.

AT : Je n’ai pas vu de cas d’infection « longue » au Covid, ici à Sharm-el-Sheikh.

UvL : Notre recommandation pour les deux cas d'infections sévères et "longues" au Covid a été de ne pas plonger pendant six mois et de passer au préalable un examen médical de plongée axé sur le système cardiovasculaire et les poumons.

JW : En l'état actuel des connaissances, le syndrome d'infection "longue" au Covid est principalement un déconditionnement qui se produit au niveau central, ce qui signifie qu'il représente une sorte d'évolution somatoforme, avec des symptômes mais pas de signes. En tant que tel, l'implication précoce d'une psychothérapie est importante – soit une approche multimodale de la rééducation ! Certains patients atteints d'affections longues au Covid ont des séquelles somatiques (pulmonaires et cardiaques) et ne passeront pas les examens d'aptitude à la plongée selon l'organigramme suisse.

Dans quelles circonstances, recommanderiez-vous à un plongeur qui a eu la Covid-19 de consulter un médecin de plongée DAN (un des avantages de l'adhésion) en plus de son médecin traitant ?

OC :  S'ils ont été hospitalisés, quelle que soit la gravité de la maladie. S'ils ont déjà souffert d'une maladie respiratoire chronique, quelle qu'en soit la gravité, ou s'ils ont été ou non hospitalisés. S'ils continuent à avoir des symptômes après eu la Covid-19.

PG : Je ne crois pas qu'une consultation médicale réelle (en personne) fasse partie des avantages de l'adhésion à DAN. Cependant, obtenir un avis à distance sur les résultats des examens médicaux effectués ou prescrits par leur médecin traitant, peut être fait en cas de doute.

OH : Les patients présentant des symptômes pulmonaires ou des symptômes allant au-delà des symptômes normaux de la grippe doivent passer une spirométrie et éventuellement une HRCT (tomographie numérique haute résolution) 12 semaines après l'infection.

JK : Après toute hospitalisation due au Covid-19 avec des symptômes soit pulmonaires, soit cardiaques, soit neurologiques.

ARS : Dans tous les cas.

AT : Dans tous les cas où leur médecin n'a pas examiné de cas de Covid-19 au préalable ou n'est pas au courant des effets possibles de la Covid-19 sur la plongée.

UvL : Tout membre DAN qui a eu des symptômes de la Covid-19 doit discuter de son cas avec un médecin de plongée DAN dans la mesure du possible.

JW : Les personnes qui ont souffert d'une infection au Covid-19 et qui veulent reprendre la plongée doivent contacter et voir un médecin de plongée pour une consultation. En Suisse, nous disposons d'un réseau de médecins de plongée compétents qui couvre notre région, de sorte qu'une consultation supplémentaire avec un médecin de plongée DAN ne sera indiquée que si un second avis est nécessaire.

A quoi les plongeurs doivent-ils faire attention ou se préoccuper lorsqu'ils recommencent à plonger ?

OC :  S'ils se fatiguent facilement ou présentent des symptômes respiratoires tels que l'essoufflement. 

PG : Les plongées doivent être effectuées progressivement en termes de difficulté, car il y a sans aucun doute un manque d'entraînement et de pratique, ainsi qu'un manque de préparation physique.

OH : La dyspnée (essoufflement) induite par l'effort doit motiver un examen plus approfondi.

JK : Soyez conscient du risque accru de barotraumatisme pulmonaire et la limitation de l'effort sous l'eau.

ARS : Les lésions pulmonaires, même dans le cas d'infections bénignes.

AT : L'essoufflement, surtout en cas d'effort excessif sous l'eau et encore plus si l'on ne fait pas d'effort excessif sous l'eau ! Les plongeurs doivent faire attention à leur fréquence respiratoire et à leur consommation de gaz respiratoire. Le degré de fatigue après une plongée après la guérison de la Covid-19 par rapport à la situation avant l'infection.

UvL : Je recommanderais un examen médical complet pour la plongée : une pléthysmographie corporelle et en fonction des résultats ou des symptômes pulmonaires, une HRCT (tomographie numérique haute résolution).

JW : Les plongeurs doivent être conscients des risques potentiels, notamment, de barotraumatisme, de toxicité à l'oxygène et d'accident de décompression, dont nous ne connaissons pas encore le risque réel. À ce jour, il n'existe aucune publication démontrant une augmentation du risque.

Y-a-t-il quelque chose que les plongeurs qui ont eu la Covid doivent savoir à propos de la vaccination ?

OC : Une vaccination n'aura pas d'effet et ne traitera pas les séquelles éventuelles.

PG : La vaccination est recommandée même pour ceux qui ont eu la Covid-19.

OH : Non, faites-vous vacciner dès que possible.

JK : Suivez simplement les recommandations d'usage pour la Covid-19 en attendant la vaccination. Sachez que la vaccination ne prévient pas la maladie. Respectez les restrictions habituelles (distanciation, désinfection, masques).

ARS : Suivez les instructions des autorités sanitaires de votre pays respectif concernant la vaccination après avoir eu la Covid-19.

AT : Je conseillerais personnellement aux plongeurs qui reçoivent la première dose du vaccin de ne pas plonger pendant la période jusqu'à ce qu'ils reçoivent la deuxième dose et d'attendre ensuite de tester les anticorps. C'est plus sûr pour eux et pour les autres afin de minimiser la possibilité d'être un porteur sain.

UvL : Je n’ai pas de recommandations pour le moment.

JW : La vaccination est fortement recommandée car la plongée est une activité sociale où les précautions nécessaires à la transmission du virus ne peuvent pas toujours être suivies à la lettre.

Sur la base de votre expérience, y-a-t-il besoin de mettre à jour les recommandations de la Société Belge de Médecine Hyperbare et Subaquatique (SBMHS-BVOOG) ?

OC : Je n’ai pas de suggestions.

PG : Non, elles sont peut-être un peu strictes, mais d'autres (par exemple les directives de l'Université de Californie à San Diego), le sont encore plus.

JK : Pas pour le moment, nous avons besoin de plus d’informations.

ARS : Je pense que les recommandations sont toujours valables.

AT : Je constate que le flux de nouvelles informations est assez impressionnant et que la quantité de fake news est également écrasante. Je suggère donc que le SBMHS-BVOOG ou DAN publie une déclaration tous les trois mois, indiquant simplement s'il y a des changements à prendre en considération ou non. Les formes mutantes du coronavirus méritent toute notre attention.

UvL : Il n'existe pas de données validées pour une mise à jour de ces réserves.

JW : Oui : les preuves fournies par les cliniques et les spécialistes de la médecine en Suisse montrent que les personnes hospitalisées avec une oxygénothérapie ont besoin de plus de trois mois pour se rétablir complètement et nous recommandons donc d'attendre six mois avant une réévaluation pour reprendre la plongée. Il convient néanmoins de préciser qu'en ce qui concerne le risque de syndrome de surpression pulmonaire, de toxicité à l'oxygène et d'accident de décompression, ces précautions sont fondées sur un danger théorique ; il n'existe aucune preuve documentée à l'heure actuelle. Par conséquent, le risque (déterminé par la probabilité et la gravité des complications) ne peut pas encore être déterminé.

Concernant l'évaluation des plongeurs présentant une atteinte pulmonaire due à la Covid-19 : Le groupe de travail SUHMS déclare que les scanners thoraciques ne sont pas utiles pour déterminer s'il est possible de reprendre la plongée. Ceux qui ont une atteinte pulmonaire auront certainement passé plus d'un scanner thoracique pendant leur période de traitement. Pour évaluer les résultats en matière de reprise de la plongée, ce qui importe, ce sont les capacités fonctionnelles. Par conséquent, nous recommandons d'augmenter les examens de la fonction respiratoire en ajoutant des tests de la capacité de diffusion pulmonaire et d'effectuer une ergométrie d'effort maximal avec contrôle de la saturation en oxygène, qui peut être accompagnée d'une spirométrie avant et après les tests.

Concernant l'évaluation des événements cardiaques : nous approuvons les procédures recommandées. Cependant, il faut mentionner que lors de la réévaluation par un médecin de la plongée, il faut disposer d'un historique complet des détails cliniques de la période d'hospitalisation, avec en particulier, les valeurs de troponine et de pro-BNP ainsi que leur évolution.

Merci à tous pour votre aide !


En complément de la publication des recommandations médicales adoptées par consensus pour la reprise de la plongée après avoir contracté la Covid-19 " Ce qu’il faut savoir en cas de plongée après avoir contracté la Covid-19 ", un organigramme de ces recommandations, téléchargeable et facile à comprendre, élaboré par la Société Suisse de Médecine Subaquatique et Hyperbare (SUHMS) ; il a été mis à jour le 29/01/2021. Veuillez noter que les recommandations de cet organigramme sont un peu plus restrictives que les recommandations générales.

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