Une perspective internationale de la plongée:extraits de la journée DAN Day 2012 au Japon

Chaque année, DAN Japon organise des séminaires sur la sécurité de la plongée en collaboration avec des spécialistes de renom venant du monde entier pour partager leur expérience et leurs recherches. Ci-après, nous présenterons un aperçu des différents discours tenus à Tokyo en novembre 2012.

Dr. Yashiro Mano,  fondateur et président de DAN Japon

Il existe environ 800 entreprises de plongée professionnelles au Japon, qui emploient environ 3 000 pêcheurs et plongeurs pour l’exploitation des ressources marines. Le pays compte 2 000 plongeurs qui contribuent aux recherches et approximativement 20 000 plongeurs vivant de la mer. Par le passé, la pêche profonde impliquant de longs temps au fond était une pratique courante au Japon, mais elle a peu à peu laissé place à des temps de plongée plus courts et à des profondeurs moindres.

Les types de plongées réalisées sont la plongée en scaphandre autonome, avec masque facial complet ou casque (la plupart utilisant un masque facial complet). La plongée avec casque devient plus obsolète, bien qu’elle conserve certains avantages. Les plongeurs-pêcheurs ne dépassent généralement pas les 60 mètres de profondeur, le maximum atteint étant de 80 mètres. La plongée en haute mer s’effectue typiquement à une profondeur de 30 mètres. S’il est prévu de dépasser les 40 mètres de profondeur, le mélange respiratoire utilisé est le trimix ou l’héliox. Ces plongées ont pour principal objectif la réalisation de tâches de maintenance, avec un faible niveau de stress sous l’eau.

La plongée professionnelle doit être encadrée par une équipe de surface, contrairement à la plongée récréative. La plongée récréative est généralement réalisée en duo, les deux binômes détenant le même type de certification et niveau d’expérience. Il est primordial de s’assurer de la présence de bouteilles de secours et de plongeurs secouristes possédant des lignes de vie et des moyens de communication sur site. Il est interdit de plonger seul ! L’on déconseille également de plonger en dessous de 40 mètres (le risque d’accident étant plus élevé à cette profondeur). La limite générale est fixée à 30 mètres. Au-delà de cette limite, il est conseillé d’utiliser d’autres mélanges respiratoires, tels que le trimix, l’héliox ou encore un recycleur à circuit fermé. Un approvisionnement en gaz respiratoire fiable doit être assuré depuis la surface.

Les plongées à palier ne doivent jamais dépasser les seuils indiqués par les tables de décompression. S’il est prévu d’effectuer des plongées de plus longue durée, le site doit être équipé d’un caisson hyperbare fixe ou mobile.

Dr. Nick Bird, directeur général de DAN Amérique

La gestion des maladies dans des régions éloignées requiert que nous fassions le maximum avec les ressources disponibles.

La MDD est une maladie probabiliste : elle dépend de la probabilité de sa survenue sur base du type de plongées réalisées, de la profondeur de plongée, du temps de plongée et de la charge en gaz inerte.

La plupart des symptômes apparaissent dans les huit premières heures suivant le retour en surface, et dans tous les cas dans les 24 heures qui suivent la remontée. Par conséquent, tout symptôme diagnostiqué après cette période doit être remis en cause. Les symptômes neurologiques, les plus sévères, apparaissent immédiatement ou dans les quelques heures qui suivent la remontée en surface, tandis que les moins sévères peuvent apparaître dans les 10 heures suivant la remontée. Ces facteurs doivent être pris en compte dans la gestion du traitement des accidents de plongée, en particulier dans les cas sévères.

Modalités de traitement et recommandations :

  • Hydrater et administrer de l’oxygène à la pression de surface préalablement au traitement hyperbare.
  • Utiliser un caisson hyperbare mobile (si disponible) afin de fournir un traitement complet aux plongeurs.
  • Évacuation : avant de procéder à une évacuation extérieure, réaliser un diagnostic approprié et considérer le recours aux traitements locaux disponibles selon l’urgence de la situation du patient. Il ne faut pas oublier que les équipes d’évacuation se mettent en danger lors de la récupération des personnes accidentées !
  • Oxygénothérapie hyperbare.
  • En dernier ressort, recourir à une décompression sous l’eau. Cela requiert de grandes quantités de gaz respiratoire, des plongeurs de soutien pour l’encadrement du patient, une bonne planification et un diagnostic approprié. La météo, la température de l’eau et le temps d’évacuation vers un établissement médical spécialisé sont autant de facteurs vitaux à prendre en compte dans la décision de recourir à une décompression sous l’eau.

La plongée dans des régions éloignées requiert la prise de mesures de précaution rigoureuses et l’utilisation de profils de plongée conservateurs.

John Lippmann, OAM, directeur général de DAN Asie-Pacifique

L’Australie abrite quelques-unes des créatures marines les plus dangereuses au monde : le poulpe aux anneaux bleus, la méduse-boîte, le serpent des mers… Toutefois, la créature la plus dangereuse pour le plongeur reste le plongeur lui-même, en particulier le plongeur inexpérimenté ou qui fait preuve de négligence.

Une analyse des statistiques relatives aux accidents de plongée mortels répertoriés depuis 1972 montre que le nombre de décès par an se situe entre 4 et 19. Il n’existe cependant pas de réelle tendance à la hausse ou à la baisse de ce chiffre au fil des années. L’incidence de décès au sein de la population de plongeurs australiens se maintient à 7 % sur 100 000 plongées, soit 7 décès par million de plongées. Chez les non-Australiens, ce chiffre s’élève à environ 4 décès par million de plongées, ce qui ne signifie pas que les Australiens soient de plus mauvais plongeurs, mais simplement que les touristes plongent dans des environnements plus contrôlés.

J’ai examiné 315 décès entre 1972 et 2005. Parmi ceux-ci, 250 décès étaient liés à la plongée en scaphandre à circuit ouvert ou fermé. 15 % de ces décès ont été attribués à l’équipement, 15 % à l’apport en gaz respiratoire, 13 % aux conditions de mer difficiles et 9 % à la panique du plongeur. Lorsque les plongeurs se retrouvent dans une situation problématique, ils ne réfléchissent pas. Ils ne prennent pas le temps d’observer ni de planifier.

À mon sens, l’aptitude physique et médicale est une première condition pour garantir la sécurité des plongées. Viennent ensuite la formation, l’apprentissage continu ainsi que l’entretien et le bon état de fonctionnement du matériel. La planification des sorties plongée, les conditions de plongée, la vie marine et les courants sont autant de facteurs qui affectent la sécurité. Faites preuve de discernement et de bon sens dans les décisions que vous prenez. Ne vous laissez jamais complètement aller, assumez la responsabilité de vos plongées. Les accidents peuvent également se produire dans des circonstances qui échappent à notre contrôle.

Dr. Alessandro Marroni, M.D., fondateur et président de DAN Europe, président d’International DAN

Si 40 % des MDD se produisent suite au non-respect des « règles » de plongée, 60 % de ceux-ci surviennent alors que le plongeur n’a enfreint aucun principe. Une étude plus approfondie de ces « règles » était donc à l’ordre du jour, raison pour laquelle DAN Europe a lancé un programme de recherche parcipitative en 1995. Depuis lors, nous avons recueilli plus de 75 000 profils de plongée entièrement contrôlés. Nous avons déplacé la recherche sur le terrain, où se trouvent les plongées et les plongeurs, et avons formé les plongeurs non seulement à agir en tant que techniciens de la recherche et à recueillir les signaux Doppler, mais également à interpréter les résultats.

Nous contrôlons le niveau d’hydratation à travers l’urine. Nous surveillons les taux sanguins ainsi que les fonctions cardiaque et pulmonaire sous l’eau au moyen d’un échographe. Nous prenons également en compte la bioimpédance, qui mesure les flux de liquides corporels, une donnée permettant de connaître le taux d’hydratation ou de déshydratation pendant une plongée, sachant que la plongée provoque la déshydratation. Nous avons analysé différents paramètres. Ce qui nous a surpris dans le contrôle sanguin a été d’observer une hausse de la densité sanguine sans qu’il n’y ait de modification au niveau des liquides corporels. Nous avons surveillé les mêmes paramètres lors de plongées répétitives, tout en contrôlant les taux de bulles.

Un autre facteur en jeu est la tension superficielle, la force qui empêche les bulles de grossir et de se diviser. Lorsque la tension superficielle diminue, le volume des bulles augmente. La façon la plus facile de mesure la tension superficielle de nos liquides corporels et par le biais d’un échantillon d’urine. La tension superficielle est liée au taux d’hydratation et une bonne hydratation empêche la formation de bulles. Nous avons en effet observé une réduction du taux de bulles chez des plongeurs hyperhydratés. Le message que nous aimerions vous faire passer est : buvez, buvez, buvez, pas de la vodka mais de l’eau, avant, entre et après les plongées. Une bonne forme physique, une bonne santé et une bonne hydratation réduisent les facteurs de risque. L’utilisation de nitrox contribue également à éviter que votre nom se retrouve dans les statistiques.

Nous avons par ailleurs adopté des procédures permettant de réduire l’agression liée à la décompression en augmentant la résistance via le préconditionnement des plongeurs avant une plongée. Par exemple, la réalisation d’une séance de sauna deux heures avant une plongée permet d’améliorer la capacité des protéines circulant dans le sang à combattre l’agression liée à la décompression. Nous avons aussi découvert que le passage sur un tapis vibrant contribuait à éliminer les bulles. La prise de chocolat s’est également avérée efficace contre l’agression de la décompression en raison de ses propriétés antioxydantes. L’intervention dans la physiologie et la biologie humaine au travers du préconditionnement des plongeurs a permis d’augmenter la résistance à la formation de bulles.

Nous nous sommes aussi penchés sur l’accumulation de liquides, l’œdème pulmonaire et les « comètes » détectées dans les poumons lors de la plongée en apnée. Nous étudions tous ces thèmes afin d’améliorer la sécurité de la plongée.

Dr. Folke G. Lind, M.D., Ph.D, Hôpital universitaire Karolinska (Stockholm, Suède)

La Suède, un pays de la taille du Japon, est le cadre de nombreuses activités de plongée. Nous plongeons dans des eaux froides, et requérons dès lors un équipement lourd, qui prédispose les plongeurs aux accidents.

Je suis moi-même plongeur depuis 1973 et je forme les médecins de la plongée depuis 20 ans. J’aimerais partager avec vous quelques-unes de mes expériences de la plongée. Mon caisson hyperbare se situe dans l’institut Karolinska de Stockholm. Il est accolé à une importante unité de soins intensifs. Nous sommes équipés pour l’évacuation des plongeurs accidentés comprimés en caisson monoplace par hélicoptère. Le protocole de recompression que nous suivons est celui de la Table de traitement 6 de la Marine américaine, actuellement considéré comme le meilleur traitement disponible dans le monde. Il existe également deux autres caissons à Göteborg, l’un à Uddevalla et l’autre dans le sud, où se déroulent la plupart des activités de plongée.

Tous les plongeurs doivent connaître la loi de Boyle ainsi que la loi de Henry relative à la dissolution des gaz. Cependant, il y a une autre loi à prendre en compte lors de la planification des plongées : la loi de Murphy.

Le principe fondamental consiste à bien s’hydrater. Ma recommandation en tant que médecin spécialisé dans les soins intensifs est de boire beaucoup afin d’uriner beaucoup. Toutes les tables de plongées doivent être utilisées de manière conservatrice ; les seuils indiqués ne doivent jamais être atteints. Une évaluation des risques doit être effectuée à chaque plongée. En tant que médecin de la plongée, on se rend vite compte que la première cause de décès en plongée est la noyade. Prenez également garde à la panique et à l’hyperthermie, autres facteurs de risque importants.

Soyez attentifs aux plongées déraisonnables et aux comportements stupides. L’on peut se montrer stupide et avoir de la chance lors d’une plongée dangereuse, mais l’on peut également être malchanceux lors d’une plongée sûre et développer une MDD.

Reposez-vous avant de plonger. Planifiez votre plongée et respectez votre planification.

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